Netflix, à la demande, série

Encore jeune, mais « vétéran » hanté par ses années passées en Afghanistan notamment, David Budd (qui fut Robb Stark pendant trois saisons dans Game of ­Thrones) a le regard lourd et la lippe maussade de la déprime. Aujourd’hui agent de protection des personnalités au sein du Metropolitan Police Service de Londres, il met sur le compte de son passé de soldat sa très douloureuse séparation d’avec sa femme et ses deux jeunes enfants. Un soir, alors qu’il revient de vacances à Londres avec eux, son sens de l’observation l’amène à déjouer un attentat terroriste : soit une longue scène d’ouverture toute de tension et de patience, impressionnante de maîtrise tant de la part de l’ancien soldat que du metteur en scène (français) Thomas Vincent, réalisateur de trois des six épisodes de Bodyguard. La tonalité de la série est installée : le pays vit sous la pression de possibles attentats djihadistes.

Mais, à peine cette menace est-elle pointée du doigt qu’en surgit une autre, qui va entraîner Bodyguard au cœur du pouvoir politique. En effet, reconnu pour son acte de bravoure dans le train, Richard Budd est affecté à la garde rapprochée de la très conspiratrice ministre de l’intérieur, Julia Montague (Keeley Hawes). Une femme dont la politique et l’idéologie représentent tout ce qu’il hait et méprise, et qu’il estime responsable de ses propres traumatismes militaires. Une femme ambitieuse qu’il va côtoyer jour et nuit, ce qui va l’amener à découvrir la guerre sans pitié à laquelle politiques du même parti, services de police, agences de renseignement et de contre-espionnage se livrent entre eux.

Guerre sans merci

Rien de bien original, donc, en apparence, pour ne pas dire que l’on part de prémisses cent fois vues : les musulmans en terroristes dans la scène d’ouverture ; le policier jouant les sauveurs héroïques mais incapable de se débarrasser de son propre syndrome post-traumatique ; le MI5 menant une guerre froide et sans merci contre les services officiellement chargés des enquêtes… Mais dense, rythmée, ponctuée de scènes intimistes, forte d’un regard ambivalent sur les personnages et magnifiée par la performance de ses deux ­acteurs principaux, Bodyguard vous entraîne, de rebondissements en coups bas mystérieux, sans vous lâcher un instant.

Cette série attirera aussi bien les amateurs d’action à la Homeland que ceux qui lui préfèrent les dessous peu chics de la politique à la State of Play – ou la série originale, anglaise, de House of Cards. Les Britanniques, pour leur part, l’ont massivement regardée, de bout en bout, entre fin août et septembre, permettant à la BBC de réaliser le plus gros lancement d’une série télévisée anglaise depuis dix ans. Elle est le fruit de l’imagination d’un grand professionnel depuis longtemps reconnu, Jed Mercurio, par ailleurs auteur de l’excellente série policière Line of Duty, que FranceTélévisions diffuse actuellement – la saison 4, que l’on peut voir indépendamment des autres, a débuté vendredi 19 octobre sur France Ô, et jeudi 11 sur France 3. Hors Royaume-Uni, la diffusion mondiale de Bodyguard revient à Netflix, la plate-forme s’y étant portée candidate dès l’étape du scénario. Une nouvelle saison n’est pas encore signée, mais serait en cours de discussion.

Bodyguard | Bande-annonce officielle [HD] | Netflix
Durée : 01:36

Bodyguard, série créée par Jed Mercurio. Avec Richard Madden, Keeley Hawes, Gina McKee (GB, 2018, 6 × 60 min). www.netflix.com