Beatriz Cantarini de Abriata, la mère d’Hernan Abriata, l’étudiant qui a été arrêté en 1976 en Argentine et depuis disparu, lors d’une manifestation devant l’ambassade de France en Argentine, le 9 avril 2014. / DANIEL GARCIA / AFP

Le gouvernement français a autorisé l’extradition vers l’Argentine de l’ex-policier franco-argentin Mario Sandoval, accusé de crimes contre l’humanité pendant la dictature (1976-1983), a appris Le Monde mercredi 24 octobre auprès des avocats du dossier.

Après un long bras de fer judiciaire, le premier ministre français, Edouard Philippe, et la ministre de la justice, Nicole Belloubet, ont signé le décret autorisant l’extradition de cet homme de 65 ans installé en France depuis 1985.

L’ancien policier a immédiatement formé un recours devant le Conseil d’Etat, a indiqué son avocat, Me Jérôme Rousseau. « Par tradition, ce recours est suspensif, l’usage républicain veut que l’Etat ne procède pas à une extradition avant l’examen du Conseil », a-t-il précisé. Le Conseil doit se prononcer « d’ici six à neuf mois », a ajouté l’avocat, qui considère que l’Etat français ne respecte pas la Convention européenne des droits de l’homme, « notamment en matière de présomption d’innocence ».

Quarante-cinq ans de lutte

Mario Sandoval a obtenu la nationalité française en 1997, ce qui n’empêche pas son extradition, car il n’était pas français à l’époque des faits. L’Argentine le soupçonne d’être mêlé à l’enlèvement et la disparition, le 30 octobre 1976, d’Hernan Abriata, étudiant en architecture qui fut détenu à l’Ecole de mécanique de la marine (ESMA). Quelque 5 000 personnes passées par ce centre clandestin de torture de la dictature argentin ont disparu, souvent jetées depuis des avions dans l’Atlantique.

Si l’Argentine soupçonne M. Sandoval d’avoir participé durant cette période à plus de 500 faits de meurtres, tortures et séquestrations, le dossier Abriata est le seul sur lequel elle s’appuie pour demander son extradition, car elle dispose d’une dizaine de dépositions l’impliquant.

« Cette décision, ainsi que les arrêts antérieurs des cours d’appel de Paris, de Versailles et de cassation, constitue une victoire pour les droits de l’homme, a exprimé l’avocate de l’Etat argentin, Me Sophie Thonon-Wesfreid, dans un communiqué. Après quarante-cinq ans de lutte, la famille d’Hernan Abriata et en particulier la mère de la victime, Beatriz, âgée de 92 ans, espèrent que cette dernière épreuve permette que Mario Sandoval réponde enfin des crimes contre l’humanité que la justice de son pays lui reproche. »

En mai 2014, la cour d’appel de Paris avait émis un premier avis favorable à l’extradition, cassé en février 2015 par la Cour de cassation. A son tour, la cour d’appel de Versailles avait donné un avis positif en octobre 2017. Un dernier pourvoi avait ensuite été rejeté le 24 mai. La plus haute juridiction française a entendu les arguments de l’Etat argentin, qui estime que l’étudiant n’étant pas réapparu depuis 1976, la prescription de la séquestration n’a pas commencé à courir car l’infraction n’a pas pris fin de manière certaine.

Mario Sandoval, s’il est finalement extradé vers l’Argentine, doit être jugé lors du quatrième volet du « mégaprocès » sur les crimes commis dans l’enceinte de l’ESMA. Le troisième volet, qui s’est ouvert en novembre 2012, s’est terminé en novembre 2017 avec des peines de réclusion à perpétuité pour 29 des anciens tortionnaires.