Les eurodéputés Sophie Montel et Steeve Briois, vice-président du Rassemblement national, le 5 février 2015, à Allenjoie (Doubs). / SEBASTIEN BOZON / AFP

L’immunité parlementaire n’est pas un droit immuable. Visés par une enquête pour « provocation à la discrimination », les eurodéputés français du Rassemblement national (RN) Steeve Briois, vice-président du mouvement, et Sophie Montel ont pu en faire le constat, après que le Parlement européen a voté la levée de leur immunité, mercredi 24 octobre. Lors d’un vote à main levée, les députés européens ont approuvé à une large majorité cette mesure.

Les noms des deux eurodéputés apparaissent dans une enquête menée par un juge d’instruction de Nanterre, près de Paris, à la suite d’une plainte contre X déposée en mai 2014 par la Fédération nationale des « Maisons des potes », réseau d’associations spécialisées dans la lutte contre les discriminations.

  • L’affaire

La Maison des potes dénonçait le « Petit guide pratique de l’élu municipal Front national », estimant qu’il « incit[ait] » les élus FN à « mettre en place la discrimination dans l’accès au logement social en réservant la priorité » aux Français.

Dans ce guide de recommandations édité avant les municipales de 2014 et rédigé par le secrétariat national aux élus, le FN exhortait ses futurs élus à « réclamer l’application des nombreux points du programme Front national », et notamment la « priorité nationale dans l’accès aux logements sociaux ». Il avait été préfacé par Steeve Briois, alors secrétaire général, Sophie Montel étant chargée de la coordination des élus au sein du secrétariat général.

  • La décision du Parlement

Dans son rapport sur ces demandes de levée d’immunité parlementaire, la commission juridique du Parlement européen a observé que ni l’un ni l’autre n’était « député lorsque le supposé délit a été commis », que « les actions en cause ne concernent pas des opinions ou des votes émis [] dans l’exercice de [leurs] fonctions » parlementaires et que « rien ne porte à soupçonner une tentative d’entraver [leur] travail parlementaire ». Elle s’est ainsi prononcée en faveur de la levée de leur immunité. Ces levées d’immunité vont permettre au juge de Nanterre d’entendre les élus dans ce dossier. En novembre 2016, le Parlement européen avait déjà levé, dans cette même affaire, l’immunité de l’eurodéputé Jean-François Jalkh, un proche de Marine Le Pen, présidente du RN.

  • Les réactions

« Cette nouvelle persécution judiciaire est surréaliste tant sur le fond que sur la forme », a déclaré dans un communiqué M. Briois, qui est également maire d’Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais).

« En France, en 2018, il n’est décidément plus possible de s’exprimer librement dans le cadre du débat politique et électoral. »

« Nous sommes donc bien en dictature ! », a réagi sur Twitter Marine Le Pen, présidente du parti d’extrême droite.

Cette affaire relève « de la liberté d’expression », a assuré Mme Montel, par ailleurs conseillère régionale de Bourgogne-Franche-Comté, qui a quitté le Front national en 2017. « En tant qu’élus d’opposition, on a tout à fait le droit de dire qu’on est contre une loi, et qu’on aspire à modifier cette loi », a-t-elle poursuivi.

« L’Union européenne s’est fondée contre les discriminations, contre la préférence nationale. Pourtant, depuis quatre ans, Steeve Briois et Sophie Montel refusaient de répondre aux convocations du juge d’instruction au prétexte qu’ils bénéficiaient d’une immunité en qualité de membre du parlement européen », a affirmé Samuel Thomas, président de la Maison des potes.

« L’incitation à commettre un délit n’est pas autorisée au nom de la liberté d’expression. »