L’Etat fait-il son beurre sur le dos du « loto du patrimoine » ? La question de la taxation de cette opération agite les réseaux sociaux depuis quelques jours. Et elle oppose Stéphane Bern, le promoteur de cette initiative destinée à financer la rénovation du « patrimoine en péril », et Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics.

Mercredi 24 octobre, au petit matin, celui-ci a tenté d’éteindre la polémique naissante. « Stop aux #fakenews », a écrit le ministre dans un tweet où il précise les chiffres. Sur les 200 millions d’euros de recettes du loto du patrimoine, selon lui, l’essentiel ira aux joueurs (144 millions), loin devant la Française des jeux (FDJ, 22 millions), la Fondation du patrimoine (20 millions) et l’Etat, qui percevra 14 millions d’euros de taxes dans l’opération.

Ce à quoi l’animateur-promoteur a immédiatement répondu, toujours via Twitter : « Une goutte d’eau pour l’Etat qui représente tant pour le patrimoine. Ne pourriez-vous faire un geste et renoncer à ce prélèvement pour que tout soit destiné à sauver le patrimoine en péril qui, de toute façon, est à la charge de l’Etat ? »

« Surpris et choqué »

La polémique avait débuté la veille. Lundi soir, M. Darmanin défend le budget 2019 à l’Assemblée nationale. Et, interrogé sur l’opération de M. Bern par un député, il répond : « Ce loto crée, comme tous les autres, des taxes qui sortent des recettes [du jeu]. Les taxes sont touchées par l’Etat. »

La déclaration ne tarde pas à se répandre sur Twitter et les esprits s’échauffent. Les membres de l’association qui a entrepris la rénovation du château de Meauce, dans la Nièvre, se disent par exemple « surpris et choqués d’apprendre que les taxes ne seront pas reversées à la mission Bern ». « Nous nous excusons auprès de tous ceux à qui nous avons dit que 100 % des taxes seraient pour le patrimoine », ajoutent-ils. Stéphane Bern, lui-même, prend part à la discussion : « La loi de finances donne raison » à M. Darmanin, confie-t-il au Parisien, « mais, moralement, je lui demande de renoncer à ces taxes ».

« Moralement, rétorque l’entourage du ministre, cela ne serait pas juste de reprocher à l’Etat de ne pas avoir fait un geste fiscal, alors qu’il renonce à l’intégralité de sa part hors TVA. Et s’il le fait, c’est pour la Fondation du patrimoine, qui récupère ce à quoi l’Etat renonce. L’Etat a aussi fait en sorte que les gains des joueurs soient importants, parce que c’était la condition de l’attractivité de l’opération. »

« C’est dans la loi »

Pour un jeu du même type, l’Etat perçoit normalement 17 % de taxes. Sur cette part, 10 points lui reviennent en propre. C’est à cela qu’il renonce. Et il ne peut aller au-delà : « C’est dans la loi, indique-t-on à Bercy, on ne peut pas prélever moins de 7 %. »

De même source, on s’étonne d’ailleurs de la réaction de Stéphane Bern : « Il a évidemment travaillé sur l’élaboration du loto. Et il a toujours été convenu d’affecter 10 % du prix du ticket au patrimoine. C’est d’ailleurs indiqué sur chaque coupon. » Ceux-ci, achetés 15 euros, précisent en effet que 1,52 euro sera reversé à la Fondation du patrimoine.

« J’ai découvert tardivement la répartition des sommes, confie cependant M. Bern au Monde. Je suis déçu que l’on ne consacre pas plus au patrimoine : j’avais prévenu que le public ne comprendrait pas que l’Etat ne renonce pas à ces taxes. »