Le président malgache, Hery Rajaonarimampianina, à Antananarivo, le 7 septembre 2018. / RIJASOLO / AFP

A quelques jours du premier tour de l’élection présidentielle à Madagascar, mercredi 7 novembre, le président sortant, Hery Rajaonarimampianina, qui a démissionné de ses fonctions pour mener campagne, mise sur son bilan et son plan de développement à l’horizon 2030 pour être réélu. Au rythme de deux à trois meetings par jour, qu’il enchaîne à coups d’hélicoptère, il fait partie – avec Andry Rajoelina et Marc Ravalomanana, interdits de se présenter en 2013 – des trois candidats à « gros budget » qui écrasent le paysage de campagne. Lui-même a été épinglé par le mouvement citoyen Rohy pour avoir distribué des motos à des maires de son parti, le HVM, lors d’un déplacement dans le nord du pays. Alors que 19 candidats sur les 36 en lice font front commun pour exiger la réouverture de la liste électorale, jugée biaisée, « Hery », comme il est courant de l’appeler ici, reconnaît que « certaines pratiques sont révolues et auraient dû être réglementées ». Entretien.

Quand vous vous retournez sur vos cinq années à la tête de Madagascar, êtes-vous fier de votre bilan ?

Hery Rajaonarimampianina Je parle de mon bilan parce que des candidats de mauvaise foi disent que mon gouvernement et moi-même n’avons rien fait. Ce n’est pas vrai. Beaucoup de réalisations ont été faites dans différents domaines, aussi bien dans l’économie que l’éducation ou la santé. Des infrastructures ont été construites, notamment dans le secteur rural, où vivent la majorité des Malgaches. Nous avons construit ou réhabilité plus de 1 000 km de canaux pour améliorer la riziculture.

Pourtant, la part des dépenses budgétaires consacrées à l’éducation et à la santé a baissé au cours des cinq dernières années.

En effet, la part relative de ces deux secteurs reste faible par rapport aux objectifs. Nous avons cependant permis au million d’enfants qui avaient été éjectés du système scolaire pendant la crise de 2009 à 2013 de revenir vers l’école. L’Etat a recruté des enseignants communautaires, qui étaient jusqu’alors rémunérés par les familles, au rythme de 10 000 par an. Ils ont été formés. Et environ 600 000 enfants ont eu accès à une cantine scolaire chaque année.

Vous mettez en avant la stabilité macroéconomique que vous avez su ramener. Cependant, la perception générale n’est pas celle d’une amélioration des conditions de vie pour les plus pauvres. Surtout, les affaires de corruption qui ont touché votre proche entourage ont scandalisé. N’est-ce pas la grande faiblesse de votre bilan ?

Dans un bilan, il y a une double colonne. Il y a des acquis et certainement des faiblesses, qui seront à corriger. Les acquis sont là. Il ne faut pas les occulter. Lorsque j’ai pris la tête de ce pays, il était sanctionné de toutes parts : économiquement, diplomatiquement, financièrement… La situation était catastrophique. Soyons raisonnables : on ne peut pas corriger autant de pauvreté en cinq ans. Mais tout ce qui a été fait pendant cette période atteste qu’il y a une amélioration du cadre macroéconomique qui permet de croire en une amélioration des conditions de vie de la population sur le long terme.

Mais pour combattre la corruption, qu’avez-vous fait ?

La corruption gangrène la société depuis très longtemps. Ce n’est pas une excuse, mais j’en ai hérité.

Sur le trafic de bois de rose vers la Chine, qui est l’un des dossiers les plus emblématiques des problèmes de corruption à Madagascar, pourquoi aucun baron de cette mafia, dont les noms sont connus, n’a été inquiété ? Le Bureau indépendant anti-corruption (Bianco), qui mène les enquêtes, a transmis des dossiers à la justice.

Alors il faut dire au Bianco de révéler publiquement les choses.

Des parlementaires, voire des ministres, sont impliqués dans ce trafic. Ils s’abritent derrière l’immunité de leur fonction pour échapper aux poursuites, selon le Bianco. Cette impunité est-elle normale ?

Il n’y a pas d’impunité. Que chacun fasse son travail. Je ne me suis jamais mêlé des affaires de la justice.

Revenons à la campagne. Dix-neuf candidats réclament la réouverture de la liste électorale, qu’ils jugent biaisée. Qu’en pensez-vous ?

S’ils disent que les conditions ne sont pas réunies, j’observe qu’ils se sont quand même présentés. Au cours des deux dernières années, en tant que président de la République, j’ai alerté sur la nécessité de réformer les lois électorales, quitte à retoucher la Constitution. On ne m’a pas écouté ou pas suffisamment. Nous en sommes là maintenant. Mais la liste électorale, contrairement à ce qu’ils demandent, ne peut être rouverte. Elle est close depuis le 15 mai. La Commission électorale indépendante a fait son travail. Elle a appelé à trois reprises à ce que chacun vérifie qu’il était inscrit sur la liste. Je l’ai moi-même fait avec ma famille dans le quartier où je suis inscrit.

Lors des débats sur la réforme des lois électorales, vous et votre parti, le HVM, vous êtes opposés au plafonnement des dépenses de campagne. Or l’inégalité de moyens des candidats et la débauche d’argent, dans le contexte de pauvreté de Madagascar, constituent une des principales polémiques qui entachent le processus électoral. Regrettez-vous votre décision ?

Le processus d’élaboration des lois fait l’objet de discussions entre les différents partis. Personnellement, je crois qu’il faudrait rouvrir le débat. Sans parler de financement global, je suis convaincu que certaines pratiques, comme la distribution de tee-shirts, de casquettes et de goodies, sont révolues. Il aurait fallu réglementer tout cela.

Vous-même les pratiquez.

Tout le monde les pratique et Andry Rajoelina dans une totale démesure.

Une étude réalisée par la fondation allemande Friedrich-Ebert affirme que vous avez dépensé 43 millions de dollars (31 millions d’euros à l’époque) lors de la campagne présidentielle de 2013. Ce chiffre est-il exact ?

Ce chiffre est complètement faux. C’est une totale ineptie.

Alors pouvez-vous nous dire quel est votre budget pour cette campagne et comment est-elle financée ?

Je n’ai pas encore le montant exact, mais la loi exige que nous présentions des comptes. Nous verrons donc à la fin. J’ai un parti qui m’appuie. Il a ses propres financements et j’ai aussi des mécènes.

Qui sont-ils ?

Il est difficile de les citer. Vous savez que nous sommes dans un contexte malgache, il ne faut pas que demain ils puissent être la cible de qui que ce soit.