Thomas Porcher lors d’un meeting de Benoît Hamon en juillet 2017. / JACQUES DEMARTHON / AFP

Ce sont les Ferrari des écoles de commerce. Des profs qui publient dans des revues internationales, accumulant les « étoiles » et les interventions dans les colloques les plus prestigieux. « En école de commerce, nous avons une obligation de publication d’un article classé CNRS tous les deux-trois ans », explique Thomas Porcher, docteur en économie, professeur associé d’économie à la Paris School of Business (PSB) et figure des économistes de gauche. « Si vous ne publiez pas, on vous donne des heures sup de cours. Moi je fais 160 heures par an, soit quasiment autant qu’un maître de conférences. Mais si j’ai une très bonne publication, on peut abaisser mon service à 120 heures », détaille-t-il.

Très organisé, Thomas Porcher fait cours le lundi et le mardi et consacre le reste de la semaine à ses recherches, ses essais et ses passages dans les médias, notamment dans l’émission « C dans l’air », diffusée sur France 5. « Je suis un économiste qui participe au débat public », justifie celui que le classement du collectif RePec (Research Papers in Economics) classe 38e sur les 1 068 économistes les plus suivis sur Twitter.

« J’ai le sentiment de servir un peu de caution. » Frédéric Encel, professeur à la Paris Business School

Docteur en géopolitique, maître de conférences à Sciences Po et professeur de relations internationales à la PSB, Frédéric Encel, spécialiste du conflit israélo-palestinien, fréquente lui aussi assidûment les plateaux télé. Et ce, en sus de ses 200 heures de cours. « Je suis à plein temps. J’ai trois amphis de 1re année, un semestre en 3e année, j’encadre des doctorants… Que je sois dans un amphi de 300 personnes ou devant 1 million de téléspectateurs, je considère que je fais un seul et même métier : transmettre un savoir », fait valoir le professeur, figure de proue de la business school parisienne. Celle-ci ne fait pas partie du top 5, mais « voir que j’y enseigne, cela rassure les parents des étudiants ! J’ai le sentiment de servir un peu de caution », confie Frédéric Encel.

« Mercato délirant »

Il y a trente ans, les professeurs en école de commerce étaient majoritairement des professionnels qui venaient donner des cours fondés sur leur expérience. « Sous la pression des classements internationaux et d’un modèle imposé par les universités américaines, l’enseignant est devenu chercheur de haut niveau et les écoles de commerce ont essayé de suivre le mouvement », raconte Lionel Martellini, professeur de finance et directeur de l’Edhec Risk Institute, qui s’assigne pour objectif de produire des recherches « utiles socialement ».

« Un mercato totalement délirant s’est alors ouvert, où les business schools cherchent à recruter à prix d’or des professeurs qui sont chercheurs », constate-t-il. Sauf qu’aucune école française ne peut se permettre de rivaliser avec les universités américaines en termes de volume de publications. « Tout est question de taille, et en France les établissements sont bien trop modestes », soupire Lionel Martellini.

Recruter des profs vedettes – et parlant le français – n’est pas chose aisée pour les écoles de commerce de l’Hexagone, confirme Islam Gazi, professeur d’administration des entreprises à Grenoble EM : « Elles rémunèrent largement moins bien que les universités étrangères, avec environ 50 000 euros par an en début de carrière, contre plus du double à l’international. Aux Etats-Unis, une vedette de la recherche peut même toucher entre 300 000 et 400 000 dollars par an. »

Mercenaires

Pour tenter d’exister sur la scène mondiale, certaines écoles en viennent à se moquer du contenu de la recherche des enseignants qu’elles recrutent. « Seule compte la quantité d’articles publiés pour augmenter le nombre d’étoiles dans les classements. C’est le “publish or perish” ! », souligne Jérôme Barthélemy, professeur de management à l’Essec. La tendance est à la scission des activités de recherche et d’enseignement, « un véritable dévoiement », selon lui. « Vivre comme une star mercenaire qui passe d’un colloque international à l’autre, ce n’est pas la référence pour moi. Et éviter l’enseignement, ce n’est pas non plus ma philosophie », tranche Jérôme Barthélemy.

« C’est finalement ce qui me prend le plus de temps : je présente parfois la recherche menée à l’école aux grands patrons ou aux alumni de l’école. » Anne-Laure Sellier, professeure à HEC

Les chercheurs de haut niveau sont pris en étau, estime Anne-Laure Sellier, professeure de marketing à HEC, après avoir enseigné à la London Business school, à la Stern Business School de New York et à la Columbia Business School. « Notre statut d’enseignants-chercheurs est accompagné d’une “charge d’enseignement”, et ce mot est lourd de sens : l’enseignement m’empêche de faire de la recherche, confie-t-elle. Pour autant, j’aime beaucoup mes étudiants et ils me manqueraient si je ne les voyais plus ! »

Ses 90 heures de cours par an, Anne-Laure Sellier les dispense sur un mois et demi, pour mieux se consacrer au reste ensuite. Notamment au « service de l’institution » qu’est HEC. « C’est finalement ce qui me prend le plus de temps : je présente parfois la recherche menée à l’école aux grands patrons ou aux alumni de l’école. Ces présentations requièrent des heures de préparation, affirme-t-elle. Le moment est capital car il peut mener à des fonds de recherche ; c’est un peu notre levée de fonds à nous. » Un financement privé plus qu’impérieux pour que les écoles de commerce ne disparaissent pas du jeu international de la recherche.

« Le Monde » organise son Salon des grandes écoles les 10 et 11 novembre

La 13e édition du Salon des grandes écoles (SaGE) aura lieu samedi 10 et dimanche 11 novembre à Paris, aux Docks, Cité de la mode et du design (13e arrondissement), de 10 heures à 18 heures.

Plus de cent cinquante écoles de commerce, d’ingénieurs, IAE, IEP, écoles spécialisées et prépas y seront représentées, permettant d’échanger sur les différents programmes et leur accessibilité (post-bac, post-prépa ou après un bac + 2, + 3 ou + 4). Lycéens, étudiants et parents pourront également assister à des conférences thématiques animées par des journalistes du Monde Campus. Une équipe de vingt « coachs » pourra également conseiller lycéens, étudiants et parents pour définir leur projet d’orientation, préparer les concours ou rédiger leur CV.

L’entrée en sera gratuite, la préinscription en ligne est conseillée pour accéder plus rapidement au Salon. Liste des exposants et informations pratiques sont à retrouver sur le site Internet du SaGE.