Meeting de Jean-Luc Mélenchon au théâtre Sébastopol à Lille (nord), le 30 octobre. / Sarah ALCALAY

Souvent, la meilleure défense reste l’attaque. L’objectif du meeting de Jean-Luc Mélenchon mardi 30 octobre à Lille était simple : tourner la page de deux semaines de polémiques après les perquisitions mouvementées notamment au siège de La France insoumise (LFI) et au domicile de l’ancien candidat à l’élection présidentielle. Mais difficile, pour les « insoumis », de faire fi de leurs problèmes.

Quelques heures avant la réunion, Le Canard enchaîné épinglait, en effet, les travaux effectués par Alexis Corbière à son domicile pour lesquelles il aurait bénéficié d’une aide de l’Agence nationale de l’habitat, « au titre de l’aide aux ménages “très modestes” ». Un article que le député de Seine-Saint-Denis a jugé « infamant » dans un communiqué où il rappelait que tout avait été fait dans « le respect de la légalité » et qu’il n’a « bénéficié d’aucun avantage ni privilège ».

Enfin, le matin, Radio France et Mediapart se faisaient l’écho d’une plainte contre X pour vol déposée par le Média, la webtélé proche de LFI, après le départ de son ancienne dirigeante, Sophia Chikirou, l’ancienne conseillère en communication de Jean-Luc Mélenchon. Il y a une semaine, Mme Chikirou a également été entendue dans l’enquête sur les comptes de la campagne présidentielle de LFI.

« Nous ne baisserons pas les yeux ! »

Mais justement, en période de turbulences, il est bon de retrouver sa zone de confort. Et celle de Jean-Luc Mélenchon est de porter le fer contre ses adversaires qui apparaissent aujourd’hui nombreux : « parti médiatique », Emmanuel Macron, l’extrême droite européenne, les Etats-Unis, la finance… « J’ai incarné notre cause commune, j’ai défendu ce que nous sommes », a lancé M. Mélenchon, devant 1 350 réunis dans le Théâtre Sébastopol, évoquant son attitude lors des perquisitions et dénonçant une « persécution politique ». « Nous ne baisserons pas les yeux ! », a-t-il poursuivi.

« Quoi qu’il en soit, dans les luttes sociales, écologiques mais avec des bulletins de vote, nous allons vaille que vaille régler nos comptes. Ce ne sont pas ceux d’un parti, d’un mouvement mais d’un peuple maltraité, humilié. Nous allons au mois de mai prochain, lors des élections européennes, avec nos bulletins de vote, clamer “stop Macron, stop à la finance contre l’intérêt général des peuples enrayer la catastrophe écologique qui menace la planète tout entière », a continué le député des Bouches-du-Rhône. Avant d’ajouter : « Ils n’arriveront pas à nous abattre si on vient à bout de moi. Il reste seize autres parlementaires prêts à monter au combat ! »

Il n’a été, finalement, que peu question d’évasion fiscale, le thème prévu initialement. M. Mélenchon a préféré notamment parler de la situation internationale. Une manière pour le tribun de dresser un parallèle − sans le dire − entre les cas sud-américains et la situation en France.

« Notre première pensée va à nos frères et nos sœurs du Brésil. Hier, c’était un soir de deuil, l’extrême droite a triomphé. Comment cela a-t-il été possible ? Lula était favori. Alors, l’ennemi a frappé, les Etats-Unis d’Amérique, a expliqué un Jean-Luc Mélenchon très en verve. Cet adversaire (…) a une méthode politique, c’est la judiciarisation de la vie politique. On a accusé Lula d’être corrompu. Dans tous les pays, c’est la méthode qu’ils utilisent. La judiciarisation de la vie politique est la stratégie de l’Empire dans tous les pays du monde. » Puis l’ancien sénateur socialiste a dénoncé une « jonction entre le parti médiatique, le pouvoir judiciaire et policier ».

Jean-Luc Mélenchon a ensuite déroulé les classiques de ses discours : la condamnation des traités européens (des « carcans », selon lui), de la politique d’Emmanuel Macron, d’Angela Merkel… Sans se priver de distiller des flèches empoisonnées à l’égard du chef de l’Etat, « homme de la finance » : « Quand Merkel fait les gros yeux, il n’a pas le courage que j’ai devant certaines portes. »

Hausse des carburants : « une colère juste et digne »

M. Mélenchon a aussi tenu un long développement sur le combat écologique, la sortie du nucléaire, le réchauffement climatique. C’est d’ailleurs à cette aune que la position du leadeur des « insoumis » à propos de la manifestation du 17 novembre contre la hausse des carburants peut étonner.

« On dit aux gens d’utiliser moins de carburant. D’accord, mais est-ce que vous allez aussi rapprocher les écoles de chez nous ? Ou bien nous emmener au centre commercial ? Ceux qui utilisent du carburant le font parce qu’ils n’ont pas le choix ! », a-t-il ainsi affirmé. Puis, évoquant une « colère juste et digne », il parle plus précisément de cette mobilisation.

« Ils ont raison de se mettre en colère. Des fachos se sont mis dedans, ce n’est pas bon pour la lutte. Parmi nos amis, certains veulent y aller. Je vais leur dire quoi ? De ne pas y aller ? Ils vont me répondre : “Mais on est fâchés, pas fachos !” D’autres ne veulent pas mettre un pied là où il y a des fachos. Les deux positions se valent en dignité. »

Il précise, néanmoins, que « les insoumis ne vont pas appeler au 17 novembre », car « toute récupération politique peut être contre-productive ». Il conclut : « Mais si nos amis sont dedans, on sera fier d’eux. Ceux qui ne veulent pas y aller également. »