Ils ont tous les deux été au cœur du pouvoir. C’est de la « métamorphose » de celui-ci, sous la Ve République, que l’ancien chef de l’Etat François Hollande et l’ancien président de l’Assemblée nationale entre 2002 et 2007, Jean-Louis Debré, ont débattu jeudi 1er novembre, dans le cadre du Festival international du film politique Politikos, qui tient sa première édition à Rennes du 1er au 4 novembre. L’occasion pour les deux « ex » d’analyser le panorama politique actuel, soixante ans après la naissance de la Ve République.

De son côté, François Hollande s’est dit inquiet pour les démocraties qui sont dans un « moment très grave » à travers le monde. Après avoir cité l’élection de Jair Bolsonaro, au Brésil, ou de Donald Trump, aux Etats-Unis, l’ancien président socialiste a estimé que « la France n’est pas à l’abri de ce phénomène où des personnages qui veulent être dans le dégagisme, dans un rapport direct au peuple, peuvent arriver aux responsabilités suprêmes ». « Il faut avoir conscience que nos institutions ne nous immunisent pas contre ce type de personnages », a-t-il ajouté sans citer aucun nom.

Plus tard, en concluant sur la question de l’incarnation du pouvoir, il a plus directement visé Jean-Luc Mélenchon. « Personne ne doit dire qu’il est le peuple lui tout seul, qu’il est la République lui tout seul. Il y a des gens qui ont un peu perdu (leurs) esprits sur ce que représente la notion d’élu du peuple », a-t-il souligné, dans une référence claire aux propos tenus par le chef de file de La France insoumise lors de la perquisition de ses locaux mi-octobre – « la République, c’est moi ».

Inventaire du quinquennat 2012-2017

Dans ce paysage, Jean-Louis Debré a regretté que « ni la gauche ni la droite républicaine n’incarnent aujourd’hui une espérance », alors que « pour empêcher l’arrivée d’un homme providentiel, il faut que les partis politiques aient quelque chose à dire ». Tandis qu’Emmanuel Macron dévisse sérieusement dans les sondages, « l’impopularité crée de l’inquiétude », a acquiescé François Hollande, car aucun parti républicain n’est aujourd’hui en mesure de capter l’électorat.

« L’heure tourne (…), il y a des nouveaux défis » : le climat et l’immigration, mais aussi le « besoin » des citoyens d’une « humanisation » des rapports avec les politiques. « Toutes ces questions, ce sont les partis qui doivent les traiter et les présenter de manière à être tourné vers l’avenir et pas simplement savoir si le bilan du prédécesseur a été bon ou mauvais », a-t-il souligné.

Une remarque faite alors que le Parti socialiste s’apprête à ouvrir l’épineux dossier de l’inventaire du quinquennat 2012-2017. Pour l’ancien chef de l’Etat, l’affaire est entendue : ce sont les « frondeurs » qui l’ont mené à la chute. « Une fois que le débat a eu lieu, dans un groupe politique, le vote doit être unanime. Comment convaincre son électorat si au sein de votre propre parti des voix s’élèvent pour dire qu’elles ne sont pas d’accord sur le sens même de la politique [menée] ? »

« Ce qui m’a profondément bouleversé, c’est que la conséquence, c’est l’échec : un petit groupe peut faire perdre l’ensemble ; et à ce moment-là, on veut des majorités totalement disciplinées, caporalisées, godillot », a continué François Hollande, n’oubliant pas de commenter l’exercice du pouvoir de son successeur.

Quand devient-on un ancien président l’a interrogé Jean-Louis Debré. Dans un sourire, François Hollande a raconté que pendant plusieurs jours après son départ de l’Elysée, lorsqu’il entendait la radio annoncer une disposition présidentielle, il se disait « mais on ne m’a pas soumis cette décision ! » Une période révolue. « Je veux rassurer mon successeur, j’ai bien compris et je suis tout à fait lucide », a-t-il assuré.