Les islamistes ont manifesté par milliers à Islamabad le 2 novembre pour protester contre l’acquittement d’Asia Bibi. / FAISAL MAHMOOD / REUTERS

Au Pakistan, les islamistes ont remporté une victoire, trois jours après l’acquittement par la Cour suprême de la chrétienne Asia Bibi, qui était accusée de blasphème. Les manifestants qui paralysaient le pays pour protester contre le verdict ont annoncé vendredi 2 novembre dans la soirée la levée du blocus après un accord trouvé avec le gouvernement.

« Les chefs du parti ont annoncé la fin des manifestations de protestation dans le pays. Les participants ont été priés de se disperser pacifiquement », a déclaré à l’AFP un porte-parole du parti Tehrik-e-Labaik Pakistan (TLP), Pir Ijaz Qadri. Le ministre des affaires religieuses, Noor-Ul-Haq Qadri, a confirmé à la chaîne GEO que les négociations avaient abouti et qu’un accord avait été signé.

L’accord passé entre les deux parties est composé de cinq points. Il prévoit notamment que le gouvernement ne s’oppose pas au dépôt d’une requête en révision du jugement de la Cour suprême au sujet d’Asia Bibi et qu’il initiera une procédure visant à inscrire son nom sur une liste de personnes empêchées de quitter le territoire. Face à cet accord, l’avocat de Mme Bibi, Saif-Ul-Mulook, estime que sa cliente « est toujours en prison » en ne pouvant pas quitter le pays avant l’examen de la requête.

« Bénéfice du doute »

Depuis le durcissement du code pénal condamnant le blasphème, en 1986, sous la dictature du général Zia-Ul-Haq, grand artisan de l’islamisation du Pakistan, les accusations se sont multipliées dans le pays, au risque de servir de prétexte pour régler des conflits personnels. Dans le cas d’Asia Bibi, c’est une dispute qui a mal tourné : en 2009, cette employée agricole avait bu un verre d’eau provenant d’un puits réservé en principe aux musulmans, et été dénoncée par des voisines avec lesquelles sa famille était en froid.

Elle fut accusée d’avoir insulté le Prophète. Aussitôt jetée en prison, Asia Bibi a été jugée en novembre 2010 et condamnée à la peine capitale par pendaison. Cette mère de famille, qui clame son innocence, avait fait appel de cette décision. Les juges l’ont finalement acquittée mercredi au « bénéfice du doute ».

« Déni de justice »

Les milieux religieux musulmans extrémistes protestent depuis mercredi contre le jugement rendu par la Cour suprême. A Islamabad, près de 5 000 personnes se réclamant de partis religieux se sont rassemblées, appelant à la pendaison d’Asia Bibi et des juges qui l’ont acquittée, qualifiés eux aussi de « blasphémateurs ».

« L’acquittement d’Asia n’est pas seulement un déni de justice, mais aussi une manière de satisfaire les demandes des opposants à la loi sur le blasphème, et des avocats de la liberté d’expression (haineuse) débridée », a notamment posté sur les réseaux sociaux Khadim Hussain Rizvi, chef du parti radical TLP à l’origine des manifestations. Son parti a appelé à une mutinerie des officiers de l’armée et à l’assassinat des juges responsables du verdict.

Au début des manifestations, le premier ministre pakistanais, Imran Khan, avait adopté un ton ferme contre les islamistes, prévenant que l’Etat ne « tolérerait pas le sabotage » et « prendrait ses responsabilités » si nécessaire.