Shinzo Abe, premier ministre japonais, le 29 octobre à Tokyo. / POOL / REUTERS

Le gouvernement japonais a validé vendredi 2 novembre un projet de loi autorisant l’accueil de davantage de travailleurs étrangers afin de combler en partie la pénurie de main-d’œuvre, mais de nombreuses critiques sont émises sur cette politique jugée trop floue. Le premier ministre, Shinzo Abe, veut que le nouveau dispositif entre en vigueur l’année prochaine.

Ce programme inédit doit permettre de faire entrer des travailleurs moins qualifiés dans les secteurs comme la restauration, le bâtiment, le soin aux personnes, souffrant d’une pénurie de bras.

En accélérant les travaux au parlement, la mise en œuvre pourrait intervenir dès avril 2019.

Déficit de préparation ?

Toutefois, au sein même du Parti libéral-démocrate (PLD, droite) au pouvoir et encore plus dans l’opposition, surgissent de nombreuses inquiétudes sur le manque de précision du texte (nombre de personnes étrangères souhaitées) et le déficit de préparation de la population japonaise et des dispositifs d’accompagnement.

Le gouvernement prévoit de créer un nouveau statut de visa, qui permettra en théorie à des immigrés ayant des qualifications inférieures à celles habituellement requises d’entrer sur le territoire japonais pour y travailler durant 5 ans. Deux sous-catégories existeront et les personnes remplissant les conditions les plus élevées (en termes de compétences professionnelles et d’aptitudes en langue japonaise) pourront faire venir leur famille et obtenir un visa permanent.

La politique d’immigration du Japon « ne change pas », a insisté M. Abe, soucieux de rassurer la population prompte à craindre l’arrivée massive d’étrangers, dans un pays plutôt fermé.

Le Japon n’acceptera que des travailleurs étrangers « ayant des compétences particulières et pouvant travailler immédiatement pour répondre à l’important manque de main d’œuvre et uniquement dans des secteurs en ayant réellement besoin », a-t-il dit aux parlementaires vendredi.

Préparer la coexistence

Les milieux d’affaires (fédération Keidanren en tête), dont le premier ministre Shinzo Abe est proche, plaident depuis longtemps pour ouvrir davantage la porte aux étrangers, mais l’exécutif jongle prudemment pour ne pas susciter l’ire des nationalistes qui représentent un important soutien populaire du Parti libéral-démocrate (PLD) au pouvoir.

Interrogé sur la façon dont son gouvernement prévoit d’intégrer des migrants, M. Abe a rejeté cette idée. « Ne vous méprenez pas, s’il vous plaît », a-t-il répondu au parlement. « Il n’est pas admissible de forcer des étrangers à accepter les valeurs de son pays », a-t-il affirmé. « Il est important de préparer un environnement permettant une coexistence dans le respect mutuel ».

L’opposition, des syndicats et associations émettent la crainte d’une exploitation des nouveaux arrivants. Nombre des travailleurs étrangers peu qualifiés du Japon se trouvent dans le pays dans le cadre d’un programme dit de « formation technique » accusé à de nombreuses reprises de cas d’abus de personnes employées par des entreprises sans scrupules.

Chômage bas

Selon les statistiques officielles, le Japon comptait en 2017 environ 1,28 million de travailleurs étrangers sur une population de 128 millions d’habitants. Plus d’un tiers (459 000 personnes) est constitué d’époux ou épouses de personnes de nationalité japonaise, de Sud-coréens présents de très longue date au Japon mais ayant gardé leur nationalité d’origine ou encore de descendants de nationalité étrangère de Japonais ayant émigré.

Le taux de chômage était en septembre de 2,3 % de la population active, un de ses niveaux les plus bas en un quart de siècle, avec 164 offres d’emploi pour 100 demandes.