Canal+ Cinéma, lundi 5 novembre à 23 heures, documentaire

Au cours des trente dernières années, de nombreux cinéastes français, britanniques et américains se sont emparés de la guerre de 14-18. Steven Spielberg, pour n’en citer qu’un, signait avec Cheval de guerre, en 2011, l’un des films de guerre les plus spectaculaires et les plus émouvants de la dernière décennie. Qu’est-ce qui pousse à faire un film sur la Grande Guerre ? Comment a-t-on filmé les tranchées et les assauts depuis un siècle ? Comment incarne-t-on un guerrier ?

Voici quelques-unes des questions que Marius Doïcov a posées à des cinéastes, des producteurs, des scénaristes, des acteurs, des écrivains et des historiens. Saluons l’audace de sa démarche : pour parler de cette guerre à l’occasion du centenaire, les réalisateurs ont moins proposé des films réflexifs que des documentaires à base d’images d’archives, privilégiant une mise en forme classique.

Ce qui fait surtout la force de ce documentaire, c’est la qualité des interventions

Saluons ensuite le montage intelligent et subtil : les souvenirs que Marc Dugain rapporte de son grand-père, gueule cassée qui ne put plus jamais embrasser sa grand-mère, sont illustrés, non par des extraits de La Chambre des officiers (2001), film adapté de son roman (JC Lattès, 1998), mais par des passages d’un autre film, Au ­revoir là-haut (2017), autre adaptation d’un roman, portant lui aussi sur un mutilé de guerre.

Ce qui fait surtout la force de ce documentaire, c’est la qualité des interventions. Celles d’un Bertrand Tavernier, qui, pour « reconstituer le chaos complet » des scènes de bataille de Capitaine Conan (1996), n’a pas adopté le point de vue des généraux, mais celui « des fantassins qui dégustent ». Celles d’un Jean-Pierre Jeunet, qui, pour filmer de haut les assauts des poilus dans Un long dimanche de fiançailles (2004), a dû mettre au point une « organisation quasi militaire ». Ou encore celles d’un Tony Bill, réalisateur de Flyboys (2006), décrivant les reconstitutions de scènes de batailles aériennes.

« Ivresse guerrière »

Les acteurs ne sont pas en reste. Philippe Torreton parle de « l’ivresse guerrière » qui est en nous, montrant sa parfaite compréhension du personnage qu’il a incarné dans Capitaine Conan. Acteur et auteur d’Au revoir là-haut, Albert Dupontel avoue le « plaisir ludique, un peu pervers, de jouer à la mort ». Iris Bry explique, pour sa part, comment les costumes qu’elle a portés dans Les Gardiennes (2017) l’ont aidée à entrer dans la peau des femmes qui, à l’arrière, s’occupaient des champs.

Les éclairages historiques d’Annette Becker sont précieux. Analysant le rôle de la tranchée qui fit, dès les années 1920, l’objet de différents usages idéologiques – les films patriotiques en firent le lieu de l’héroïsme des combattants, tandis que les pacifistes s’en servirent pour dénoncer les conditions dans lesquelles ils étaient morts –, elle explique comment les cinéastes, après la seconde guerre mondiale, ont cherché à traversla première guerre mondiale à parler de leur temps : dans Les Sentiers de la gloire (1957), Kubrick dénonçait la guerre du Vietnam. Joyeux Noël (2005), de Christian Caron, reflétait le besoin d’une mémoire transnationale de la guerre.

Insistant sur le rôle de transmission de l’histoire que peut avoir le cinéma, le film se veut un encouragement aux futures générations de cinéastes à se saisir de ce réservoir inépuisable d’idées qu’est la première guerre mondiale.

Au revoir là-haut - Bande-Annonce
Durée : 01:40

Filmer le chaos, de Marius Doïcov (France, 2018, 55 min). www.mycanal.fr