Dans « Transmetropolitan », on bidouille l’ADN. / DR

LES CHOIX DE LA MATINALE

A l’issue de six jours de festival, les Utopiales de Nantes, événement annuel consacré à la science-fiction, ferment leurs portes lundi 5 novembre. L’édition 2018 avait pour thème central le corps. Le transhumanisme, soit l’amélioration du corps humain grâce à la technologie, a donc naturellement occupé une bonne partie des discussions. Pixels a sélectionné huit œuvres incontournables sur la question.

Roman : « La musique du sang »

Ce court roman de Greg Bear, publié en 1983, propose une vision à la fois idéale et cauchemardesque de « l’amélioration » de l’être humain. Il suit Vergil Ulam, un jeune généticien talentueux qui travaille, à l’insu du laboratoire qui l’emploie, sur un projet de micro-ordinateurs biologiques de la taille d’une cellule humaine. Lorsque l’existence de son projet est découverte, Vergil Ulam est licencié, et s’injecte ses cellules de test pour pouvoir les sortir discrètement du laboratoire.

Dans les semaines qui suivent, sa myopie disparaît, il se sent plus fort, plus vif, au fur et à mesure que ses créations remplacent les cellules de son corps. Mais quand elles commencent à se transmettre à d’autres, à une vitesse exponentielle, c’est la nature même de l’humanité qui se retrouve menacée... Grand classique au rythme impeccable, La musique du sang a remporté le prix Hugo et le prix Nebula à sa sortie.

Manga & anime : « Ghost in the Shell »

Ghost in the Shell intro HD
Durée : 03:19

Pilier de la SF japonaise, le manga de Masamune Shirow, puis la série animée Ghost in the shell a posé dès 1989 une marque indélébile sur les réalisateurs cyberpunks à venir, à l’image des Wachowski via leur trilogie Matrix. Ghost in the Shell relate, dans une société où les corps humains sont « boostés » aux nouvelles technologies, la traque d’un pirate informatique de haute volée, le Puppet Master, par la major Motoko Kusanagi, une femme cyborg.

Si l’on y dézingue à tout-va, la série doit se lire également comme une fable existentialiste. Dans Ghost in the Shell, ce qui distingue les robots des humains est précisément que ces derniers recèlent un « ghost ». Sans forcément parler d’une âme, on peut l’appréhender comme l’esprit, la conscience. Ainsi l’héroïne Motoko Kusanagi, hybride faite de cellules humaines et d’un corps mécanique, ne cesse de s’interroger sur son existence, l’authenticité de son « ghost » et sa part d’humanité.

Roman : « Dune »

Et s’il fallait dépasser les limites de la perception et de l’intelligence humaine pour que nous puissions explorer l’espace ? Dans Dune (1965), la saga épique de Frank Herbert qui décrit l’évolution de l’humanité sur plusieurs siècles, tout est bon pour repousser ce dont est capable le corps humain.

A commencer par ceux des navigateurs, capables de guider les vaisseaux voyageant plus vite que la lumière en évitant les obstacles grâce à la puissance de l’Epice, la drogue miraculeuse qui permet de « voir » dans l’avenir et colore en bleu le blanc des yeux de ceux qui la prennent. Mais aussi ceux des femmes du Bene Gesserit, ordre mi-religieux, mi-guerrier, dont les membres apprennent à contrôler leur corps et leur métabolisme à un degré inouï par la seule force de leur volonté, et développent des capacités surhumaines. Comme « la voix », à laquelle on ne peut qu’obéir...

Film : « Robocop »

RoboCop (1987) Official Trailer - Cyborg Police Sci-Fi Movie HD
Durée : 01:39

Le classique de Paul Verhoeven, sorti en 1987, pose les grandes questions du transhumanisme sous ses dehors de film d’action ultraviolent et bas du front. Alex Murphy, le policier qui survit gravement amputé après une tentative d’assassinat, se retrouve transformé en un être « 50 % homme, 50 % machine, 100 % flic ». Mais ce policier impitoyable et incroyablement efficace est-il encore le Alex Murphy aimant et dévoué que connaît sa femme ? En « l’améliorant », la sinistre corporation OCP a-t-elle détruit sa personnalité ?

Les allergiques à l’esthétique des années 1980 pourront se rabattre sur le très correct reboot sorti en 2014, qui n’apporte pas de grande amélioration à l’histoire mais bénéficie de moyens techniques conséquents.

Jeu vidéo : « Deus ex : Human Revolution »

Deus Ex: Human Revolution - Cinematic Trailer
Durée : 05:12

Il n’a jamais demandé ça : victime d’un attentat perpétré au siège de Sarif Industries, l’agent de sécurité Adam Jensen a vu la mort de près. Sa vie, il la doit à son employeur, le Apple de la prothèse bionique. Doté de nouveaux bras, de nouvelles jambes, d’un nouveau corps, il ne fait pas que survivre : il est désormais augmenté. Plus fort, plus rapide, plus résistant, le voilà certes ressuscité, mais aussi, désormais, la « chose » de Sarif, qui le lance à la poursuite des terroristes, des opposants radicaux au transhumanisme.

Mais qui en veut vraiment à Sarif Industries ? Que cache la neuropozyne, cette drogue que les millions, les milliards de clients de Sarif consomment tous les jours pour ne pas rejeter leurs implants ? Et que se passerait-il si le code embarqué par toutes ces prothèses bioniques tombait entre les mains de gens mal intentionnés ? Autant de questions avec lesquelles joue le jeu d’action, d’infiltration et d’anticipation Deus Ex : Human Revolution, ainsi que sa suite, Human Divided.

Roman : « La Sonate Hydrogène » de Iain Banks

Comment archiver sa mémoire lorsqu’on vit plusieurs dizaines de milliers d’années, et que notre cerveau ne dispose que d’un espace limité ? Le roman La Sonate Hydrogène, paru en 2012 et écrit par l’écossais Iain Banks dans le cadre de son ambitieux cycle de la Culture, apporte une solution.

Le livre se déroule dans une civilisation qui a développé des capacités technologiques et un système politique intergalactique extrêmement abouti et contrôlé par des intelligences artificielles.

Parmi les nombreuses intrigues : la recherche d’un dénommé QiRia, et des souvenirs qu’il pourrait avoir des discussions diplomatiques qui se sont tenues 10 000 ans auparavant. Au détour d’un passage, le personnage explique que pour garder des souvenirs si anciens à disposition, il ne dispose pas d’un « ordinateur dans la tête », mais « d’une capacité de stockage supplémentaire » :

« Il est en moi. A travers moi. Il y a énormément de place dans le corps humain pour stocker des données, une fois qu’on sait coder les bases nécessaires et installer un système de lecture à nanofil à travers les hélices. J’ai commencé par les tissus conjonctifs, ensuite les os, et maintenant, même les organes les plus vitaux ont un stockage incorporé. Ça ne les empêche pas de fonctionner, et ça apporte même certaines améliorations en terme de solidité des os. »

Problème pour l’héroïne Vyr Cossont, les souvenirs concernés étaient situés dans les yeux de QiRia, dont il s’était débarassé pour les remplacer par d’autres organes... Une anecdote savoureuse et bien sûr encore irréaliste dans notre société actuelle, mais qui pourrait préfigurer des questions à venir en cas de modifications des capacités du corps humain, et de la gestion à réaliser du « poids » de nos souvenirs. Profitez bien de vos clés USB.

Comics : « Transmetropolitan »

Dans « Transmetropolitan », on bidouille l’ADN. / DR

Dans les soixante numéros de cette mini-série, on colle aux talons d’un journaliste déjanté, camé à des substances inquiétantes, qui déambule au pas de course dans un univers où tous nos repères sont bousculés. On y croise des humains augmentés bardés d’implants technologiques qui leur confèrent des qualités étranges.

On y découvre surtout des « transités » à l’ADN mutant, parqués dans un quartier réservé, qui revendiquent le droit à la différence et la liberté de travailler. Leur apparence troublante n’est plus tout à fait celle d’un membre de l’espèce humaine.

D’autres habitants de cet immense continuum urbain décident plus radicalement de couper avec leur enveloppe corporelle pour charger leur âme dans le nuage, et y vivre librement dans un univers numérique et immatériel. Publiée autour des années 2000 par un scénariste anglais, Warren Ellis, Transmetropolitan est une BD profonde, captivante, haletante, devenue une référence pour les passionnés qui bricolent l’ADN de plantes ou de bactéries en amateur.

Série : « Black Mirror »

Daniel Kaluuya et Hayley Atwell dans "Black Mirror". / CHANNEL 4 / NETFLIX

Série phare des amateurs de dystopies, Black Mirror propose des épisodes totalement indépendants les uns des autres, qui évoquent chacun le dérapage d’une technologie. Parmi les nombreux thèmes abordés, celui du transhumanisme revient dans chacune des quatre saisons que compte, pour l’instant, cette série née au Royaume-Uni.

Dans Retour sur image, (saison 1, épisode 3), les humains sont équipés d’un système leur permettant d’enregistrer et de rediffuser tous leurs souvenirs – une technologie qui mettra un couple en difficulté, confronté à des soupçons d’adultère.

Dans Archange (saison 4, épisode 2), une petite fille se voit implanter une puce permettant de la surveiller à distance, mais aussi de filtrer ce qu’elle voit, afin de lui éviter des images choquantes. L’expérience va déraper.

Black Mirror s’intéresse aussi, dans deux épisodes remarqués, à l’immortalité que pourrait offrir la technologie. Dans Bientôt de retour (saison 2, épisode 1), une entreprise fabrique des humanoïdes à l’image de personnes décédées, en se basant sur leurs données personnelles. San Junipero (saison 3, épisode 4) aborde aussi la question de l’immortalité, à travers l’épisode le plus joyeux de cette sombre série.