Donald Trump en meeting à Chattanooga (Tennessee),le 4 novembre. / JONATHAN ERNST / REUTERS

Editorial du « Monde ». Mardi 6 novembre dans la soirée, les Etats-Unis auront sans doute un élément de réponse à la question que se posent nombre de leurs concitoyens, majoritairement démocrates. Donald Trump n’a-t-il été, il y a deux ans, que le produit accidentel de circonstances – une adversaire, Hillary Clinton, usée par sa longévité politique et un électorat démocrate trop sûr de la victoire au point de se démobiliser assez pour perdre trois Etats déterminants ? Ou bien incarne-t-il au contraire le virage nationaliste d’une Amérique oublieuse de ses devoirs de grande puissance, obnubilée par la défense égoïste, coûte que coûte, de ses intérêts ?

Comme toujours pour un scrutin atomisé en des dizaines de courses singulières, où les questions internationales sont absentes, la prudence s’imposera lorsque l’on voudra en tirer des leçons. Il n’empêche. Si le champ de bataille du Sénat est outrageusement favorable aux républicains par le hasard du renouvellement partiel de cette année, une poussée démocrate à la Chambre des représentants, accompagnée par la conquête de postes de gouverneur et de législatures d’Etat signifierait que le débat n’est sans doute pas clos entre deux visions d’un destin américain : celle de Donald Trump, mercantile et brutale, et celle qui fut longtemps partagée par les modérés des deux camps, respectueuse de ses alliés et d’idéaux en partage, au-delà d’errements passés.

On le voit, rarement scrutin intermédiaire a eu autant à dire au monde. A commencer par les plus vieux alliés des Etats-Unis : les Européens. L’attente du résultat des midterms est à la mesure du fossé que Donald Trump a creusé en moins de deux ans d’égocentrisme désinvolte, obsédé par une vision étroitement comptable des équilibres transatlantiques.

Une démocratie malade de ses schismes

Certes, il ne lui était pas interdit de questionner des liens dévitalisés par l’habitude et la routine, surtout après le peu d’intérêt manifesté pendant deux mandats par Barack Obama à ce Vieux Continent perclus de divisions. Mais son successeur n’a jamais cherché à accompagner ses critiques de la moindre esquisse de projet, manifestement ignorant d’une histoire commune que la commémoration du centenaire de la Grande Guerre, marquée par le premier grand engagement des Américains en dehors de leur continent, va lui rappeler dans quelques jours, à Paris.

Le verdict des urnes américaines va également intéresser ceux qu’inquiète la poussée opiniâtre, partout, de nationalismes étroits, souvent fondés sur le mépris des faits et des connaissances. Il livrera un diagnostic sur une démocratie certes malade de ses schismes – la tragédie de la synagogue de Pittsburgh, trop vite éclipsée par la campagne, l’a rappelé –, mais que de solides contre-pouvoirs, fondés sur le respect des autres, peuvent préserver des dérives qui affligent des nations moins confiantes dans leurs propres institutions.

Les élections de mi-mandat, enfin, donneront peut-être l’occasion aux démocrates américains de travailler à une autre voie, diamétralement opposée à celle de Donald Trump, pour ce qui concerne le partage de la richesse. Ou encore à la préservation d’un environnement menacé, que le président de la première puissance mondiale n’évoque jamais, comme si la barrière de l’indifférence pouvait durablement préserver son pays de la montée des périls climatiques. S’il était mené, demain, outre-Atlantique, un tel effort de redéfinition des enjeux et des solutions pourrait bénéficier à nombre de gauches et de centres gauches en Europe et dans le monde. A cet égard, la forte participation annoncée aux scrutins du 6 novembre, dans un pays qui ne vote que trop peu, en est un prélude prometteur.