Jean-François Martin

Epargner autrement pour donner du sens à son argent. C’est l’objectif des épargnants solidaires, qui sont plus d’un million en France, d’après l’association Finansol. Ils ont versé l’an dernier 1,8 milliard d’euros supplémentaires sur leurs produits solidaires. Un record historique, qui porte l’encours des placements solidaires à 11,5 milliards d’euros fin 2017, en hausse de 18 % sur un an.

Mais si ce montant est significatif en valeur absolue, il est loin de peser lourd dans le patrimoine des Français. A titre de comparaison, le livret A affiche un encours total de 280 milliards d’euros, tandis que l’assurance-vie atteint près de 1 700 milliards d’euros. Finansol calcule ainsi que la finance solidaire ne représente que 0,23 % de l’épargne financière des Français.

De très nombreux salariés sont donc devenus épargnants solidaires sans pour autant être militants. Les fonds d’épargne salariale solidaires pèsent 64 % de ce type de placements.

« Les épargnants de la première heure étaient principalement des militants du monde associatif et de l’économie sociale et solidaire. Désormais, les placements solidaires sont diffusés au sein de toute la population, en particulier grâce au développement de l’épargne salariale solidaire », explique Frédéric Tiberghien, le président de Finansol.

En effet, depuis le 1er janvier 2010, les entreprises ont l’obligation de proposer un fonds solidaire dans leur plan d’épargne solidaire (PEE) et leur plan d’épargne retraite (Perco). Ces produits consacrent entre 5 % et 10 % de leur portefeuille au financement d’entreprises agréées solidaires. De très nombreux salariés sont donc devenus épargnants solidaires sans pour autant être militants. Ainsi, les fonds d’épargne salariale solidaires pèsent à eux seuls 7,4 milliards d’euros, soit 64 % des ­encours des placements solidaires.

Des options de partage sur les livrets A

En dehors de l’épargne salariale, en revanche, le grand public reste frileux lorsqu’il s’agit de souscrire des placements utiles en direct auprès d’une banque. « Les acteurs de la finance solidaire doivent mieux faire connaître ces produits qui souffrent pour certains d’un manque de notoriété », indique Imad Tabet, directeur du marché des particuliers du Crédit coopératif. Cet établissement propose une large palette de placements solidaires comme des livrets, un contrat d’assurance-vie, des fonds de partage et des fonds solidaires.

Principal produit en termes d’encours à 607 millions d’euros, le livret Agir permet de donner 50 % de ses intérêts à une association parmi la vingtaine proposée. Il rapporte 1 % brut jusqu’à 15 300 euros (0,10 % au-delà) et est assorti d’une réduction d’impôt liée au don. « L’avantage fiscal compense en partie la perte de rémunération liée au don. Au final, la rémunération du livret Agir est proche de celle du livret A », ajoute Imad Tabet.

D’autres établissements proposent le même type de produits, à l’instar de La Nef, de la Macif et de la Maif. Des banques comme La Banque postale et la Société générale ont mis en place des options de partage sur leur livret A ou leur livret de développement durable et solidaire (LDDS). Chez Société générale, le client choisit de reverser 25 %, 50 %, 75 % ou 100 % des intérêts à l’une de 38 associations partenaires. « Ce service d’épargne solidaire répond à une attente des clients qui veulent défendre des causes qui leur sont chères. Au total, 354 000 euros ont été versés aux associations en 2017, après 282 000 euros en 2016 », précise Stéphane Ibanez, responsable de l’offre épargne bilancielle chez Société générale.

1 milliard d’euros d’encours

L’encours des livrets de partage de l’ensemble du marché atteint ainsi 1 milliard d’euros fin 2017, en hausse de 30 % sur un an. Une progression notable dans un contexte de rémunération au plancher. Il existe aussi des fonds de partage fonctionnant sur le même mode, puisqu’une fraction des revenus est donnée à des associations. « Les encours des livrets de partage sont en hausse, mais le bas niveau des taux d’intérêt, donc des rémunérations, se traduit par une baisse des sommes versées aux associations par l’ensemble des produits de partage, à 4,6 millions d’euros en 2017, contre 5 millions en 2016 », précise Frédéric ­Tiberghien.

Le développement des livrets solidaires témoigne du choix des particuliers, même en période de taux bas, de ne pas prendre de risque sur leur épargne. « Les épargnants solidaires veulent que leur argent soit utile. Ils ne sont pas motivés par la performance mais ne veulent pas non plus se séparer de leur capital : c’est pourquoi ils réalisent un investissement et non un don », analyse Philippe Pascal, responsable du marché de particuliers à La Nef.

Les épargnants les plus engagés peuvent aussi souscrire directement au capital d’entreprises solidaires, en achetant des actions non cotées ou des parts sociales, selon le statut de la structure. Au total, les encours atteignent 548 millions d’euros, notamment au bénéfice d’Habitat et humanisme, France active investissement ou encore Entreprendre pour humaniser la dépendance. Il s’agit d’un investissement de long terme permettant dans certains cas de bénéficier d’une réduction d’impôt. Les parts sociales ou actions ne procurent généralement pas ou très peu de rendement.