Discours de campagne des élections de mi-mandat du président Donald Trump, le 5 novembre; à Cape Girardeau, dans le Missouri. / Jeff Roberson / AP

Editorial du « Monde ». Les nouvelles sanctions américaines contre l’Iran, ciblant depuis lundi 5 novembre le secteur pétrolier et bancaire, se veulent « implacables ». Une première salve est entrée en vigueur en août, deux mois après l’annonce par le président américain, Donald Trump, du retrait des Etats-Unis de l’accord de juillet 2015 (JCPOA) entre les « 5 + 1 » (les cinq membres permanents du Conseil de sécurité plus l’Allemagne) et l’Iran pour la mise sous contrôle du programme nucléaire de Téhéran.

L’objectif est de contraindre l’Iran à renégocier un accord dénoncé par M. Trump comme « le pire » jamais conclu et à mettre fin à ses « activités néfastes » au Moyen-Orient. Washington reste décidé à exercer « une pression maximale ». En campagne pour les élections de mi-mandat, mardi 6 novembre, Donald Trump assure que la donne a déjà changé et que « les dirigeants iraniens qui, auparavant, voulaient dominer le Moyen-Orient, cherchent désormais juste à survivre ».

L’administration américaine nie miser sur un changement de régime. Son pari n’en paraît pas moins très hasardeux. L’économie iranienne est certes exangue, et le mécontentement de la population aussi réel que sa lassitude des dispendieuses aventures guerrières extérieures, mais les sanctions ont le plus souvent pour effet de conforter les pouvoirs en place. En Iran, elles renforcent les secteurs les plus durs du régime – en premier lieu les gardiens de la révolution, les mieux à même de profiter des trafics en tout genre engendrés par le contournement des sanctions.

L’inévitable marginalisation des dirigeants modérés, à commencer par le président Hassan Rohani, par des ultranationalistes encore plus intransigeants entraînera un nouveau durcissement de l’administration américaine, ravie de pouvoir mobiliser ses alliés contre le monstre par elle-même créé.

Divergence sur la méthode

Les dirigeants iraniens ont aujourd’hui beau jeu de dénoncer le caractère « illégal » des sanctions imposées par les Etats-Unis et leur volonté de « les contourner avec fierté », alors même qu’ils respectent les termes de l’accord de 2015, comme le reconnaît l’Agence internationale pour l’énergie atomique (AIEA). Même s’ils menacent à l’occasion de quitter le JCPOA, les dirigeants iraniens savent aussi qu’il les protège. Les cinq autres signataires, les Européens en tête, veulent le maintenir en vie et tentent de mettre en place, avec beaucoup de difficulté, des mécanismes leur permettant de poursuivre les relations commerciales avec Téhéran en dépit des sanctions américaines.

La Grande-Bretagne, l’Allemagne et la France sont néanmoins bien conscientes des lacunes de l’accord de 2015 et des dangers de la politique d’expansion iranienne au Moyen-Orient. La divergence avec l’administration américaine porte avant tout sur la méthode. Emmanuel Macron ne cesse de rappeler la nécessité de compléter le JCPOA par des accords connexes visant à limiter le programme balistique iranien et les ambitions régionales de Téhéran, et à le prolonger au-delà de 2025.

Fin septembre, à New York, en marge de l’Assemblée générale des Nations unies, le président français a admis publiquement que les pressions maximales de Washington et les canaux de dialogue avec Téhéran prônés par les Européens pouvaient être « complémentaires ». C’est une voie étroite, difficile, mais c’est la seule qui puisse bloquer l’engrenage vers le pire enclenché par un Donald Trump jouant les pyromanes dans un Moyen-Orient hautement inflammable.

Pourquoi Trump veut-il en finir avec l’accord sur le nucléaire iranien ?
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