Meeting démocrate à El Paso (Texas), le 5 novembre. / MIKE SEGAR / REUTERS

Branle-bas de combat : à quelques heures de l’ouverture des bureaux de vote aux Etats-Unis, pour les élections de mi-mandat, les principaux réseaux sociaux ont tenu à montrer qu’ils étaient bien mieux préparés à lutter contre les tentatives de désinformation qu’ils ne l’étaient en 2016, lors de l’élection présidentielle.

A la veille du début du vote, Facebook a ainsi annoncé la fermeture de 30 comptes Facebook et de 85 comptes Instagram, soupçonnés par les autorités américaines de faire partie d’une « campagne d’influence étrangère ». Twitter, de son côté, a affirmé au New York Times être « plus préparé que jamais » à lutter contre la désinformation ; et a annoncé, la semaine avant le vote, avoir procédé à des suppressions de milliers de comptes suspects.

Des rumeurs et des « infox » liées à l’élection

Dans le détail, ces annonces de dernière minute ressemblent davantage à une opération de communication qu’à une intervention décisive. Les pages fermées par Facebook étaient majoritairement écrites en français et en russe, selon le communiqué de l’entreprise : or, logiquement, l’écrasante majorité des contenus cherchant à influer sur l’élection américaine devraient être écrits en anglais. Les comptes Instagram fermés parlaient pour certains de politique, mais, pour d’autres, étaient consacrés à la vie de célébrités.

Quant à la « préparation » de Twitter, elle n’a pas empêché, ces derniers jours, de très nombreux messages diffusant de fausses informations de circuler sur le réseau. La presse américaine et de nombreux internautes se sont ainsi fait l’écho de messages, semblant émaner de comptes soutenant les démocrates, qui indiquaient une fausse date pour le vote. Twitter s’est cependant montré plus réactif qu’il y a deux ans, mais avec plus ou moins de subtilité. Le réseau social a ainsi supprimé par exemple un message de la personnalité de la droite de la droite Ann Coulter, qui conseillait aux républicains de voter le 6 novembre, jour de l’élection, et aux démocrates de voter le 7. « Même Twitter se rend compte que les gauchistes sont des idiots qui peuvent se laisser avoir par une blague », a-t-elle ironisé.

Des candidats musulmans ou d’origine étrangère ont été l’objet de campagnes de dénigrement

Dans les semaines précédant le vote, plusieurs rumeurs ont largement circulé sur les réseaux sociaux, dont certaines étaient clairement reliées à la droite de la droite américaine. Certains candidats musulmans ou d’origine étrangère ont été l’objet de campagnes de dénigrement ciblées. Plus généralement, des théories du complot, parfois alimentées ou propagées par Donald Trump lui-même, tentent de convaincre les Américains qu’une fraude électorale massive se prépare, ce qu’aucun élément concret ne vient attester. D’autres rumeurs évoquent des piratages ou des manipulations des machines à voter.

Une partie importante de ces messages reprend les tactiques vues à l’œuvre lors de l’élection présidentielle américaine de 2016. Plus que de chercher à convaincre les indécis, les campagnes de désinformation de l’époque avaient surtout incité certaines parties de l’électorat à s’abstenir. Les africains-américains, qui votent démocrate à une écrasante majorité, avaient ainsi été spécifiquement visés par d’importantes campagnes en ligne tentant de les convaincre qu’il était préférable de ne pas voter plutôt que de voter pour Hillary Clinton.

Lors des élections de mi-mandat de 2018, des procédés similaires ont eu lieu : un photomontage largement diffusé tentait de faire croire que la police aux frontières américaine contrôlait les personnes se présentant aux bureaux de vote. Une manière à la fois de décourager les immigrés de se rendre aux urnes, et de laisser supposer qu’il y avait un risque réel de fraude électorale.

Nouvelles techniques de désinformation

L’ampleur précise et, surtout, l’impact de ces messages restent toutefois difficiles à déterminer. Google, dont la plateforme YouTube a été largement utilisée ces dernières années pour diffuser des théories du complot, a affirmé la semaine dernière avoir détecté un volume « étonnamment faible » de tentatives coordonnées de désinformation sur les campagnes électorales.

Depuis 2016, les grands réseaux sociaux ont pris de nombreuses mesures pour tenter de limiter la désinformation sur leurs plateformes : renforcement des outils de modération, règles plus contraignantes sur la publicité politique, suppression de millions de comptes identifiés comme suspects… Les premières études sur ces mesures tendent à montrer que leur impact a été réel. Mais les créateurs et diffuseurs de ces messages se sont aussi adaptés, recourant à des techniques plus subtiles pour faire passer leurs messages.

Plusieurs études récentes notent également que les messages visant clairement à désinformer le public passent de plus en plus par des groupes fermés ou semi-ouverts, comme les groupes Facebook ou WhatsApp, ce qui rend leur détection et leur suivi plus difficile. C’est notamment un problème auquel ont été confrontées les autorités brésiliennes lors de la récente campagne pour l’élection présidentielle.