France 5, mercredi 7 novembre à 21 heures, documentaire

Dans le flot des programmes diffusés à l’occasion du centenaire de l’Armistice, ce documentaire sort du lot. A la fois par son thème (la guerre de 14-18 vécue à l’arrière par la population civile française) et par ses trouvailles techniques. Car si l’on a pris l’habitude de documentaires historiques colorisés et sonorisés, le réalisateur, Cédric Condon, s’appuyant sur le travail des scéna­ristes Jean-Yves Le Naour et Adila Bennedjaï-Zou, s’est emparé d’archives multiples (extraits de films, correspondances d’une adolescente, du député Abel Ferry, du maire de Mende Emile Joly, photos, scènes reconstituées) en les mêlant habilement.

Lire la critique du documentaire « Filmer le chaos » : Les tranchées, personnages de films

Images d’archives inédites

C’est ainsi que des archives photographiques prennent vie grâce à des effets numériques et à l’incrustation d’un acteur parfaitement intégré. A l’arrivée, une cinquantaine de « photos fictions » donnent à ce documentaire rythme et émotions.

Au-delà de la performance technique, c’est bien le thème qui donne à ce programme sa force. Les poilus laissent ici place à leurs épouses, parents, enfants. Car cette guerre totale, cette guerre d’usure, c’est aussi celle des ouvrières, des infirmières, des ingénieurs, des médecins, des ouvriers spécialisés rappelés du front pour faire tourner la machine de guerre. Dans les champs, les usines, les écoles, on vit aussi la guerre à sa façon. Des images d’archives inédites font découvrir des scènes de la vie quotidienne dans des villages mais aussi dans les rues de Paris, de Lille ou de Lyon.

Des archives photographiques prennent vie grâce à des effets numériques et à l’incrustation d’un acteur parfaitement intégré

A mesure que la guerre se prolonge, l’arrière découvre la paranoïa, la nervosité, la censure, la propagande. Lorsque les premiers convois de blessés reviennent du front, la stupeur et l’effroi frappent les civils. Plus tard, lorsque les ­soldats reviennent de permission, la rancœur fait son apparition : pendant qu’on se fait trouer la peau, les planqués de l’arrière mènent la belle vie. Rien n’est éludé : problèmes de loyers impayés par des femmes dont les hommes sont au front, harcèlement des ouvrières dans les usines, rationnement, enrichissement des grands industriels, peur de l’adultère, délinquance juvénile en forte hausse, la France découvre qu’elle est une société de classes, bien cabossée.

Lire aussi une critique parue en 2014  : « Le Soldat méconnu »

La Guerre de tous les Français, de Cédric Condon, Jean-Yves Le Naour et Adila Bennedjaï-Zou (France, 2018, 95 min). www.france.tv/france-5/documentaires