Rudi Garcia, le 8 novembre, à Rome, lors de la défaite (2-1) face à la Lazio. / ALESSANDRO BIANCHI / REUTERS

Finaliste surprise de la précédente édition, l’Olympique de Marseille (OM) quitte la Ligue Europa 2018-2019 par la petite porte. Après sa défaite à Rome, jeudi 8 octobre face à la Lazio (2-1), le club marseillais est mathématiquement éliminé dès la phase de poules. Pis, il n’a pas gagné une seule de ses quatre rencontres, alors qu’il lui reste deux matchs à disputer.

Cette sortie précoce confirme que l’OM va mal sur le plan sportif, et qu’il s’apprête à vivre une saison compliquée, même si les joueurs et l’entraîneur Rudi Garcia, dont le contrat a été prolongé jusqu’en 2021, se concentreront désormais sur la Ligue 1 et les coupes nationales.

Mais cette élimination a aussi des conséquences financières pour le club marseillais, dont le président, Jacques-Henri Eyraud, ne cachait pas, dès le mois de mai, que la saison en cours, après les deux précédentes, serait encore marquée par des « pertes opérationnelles très importantes », dans le cadre de la montée en puissance programmée par le propriétaire américain, Frank McCourt.

Un maximum de 10 millions d’euros

En 2017-2018, l’épopée européenne, stoppée en finale par l’Atlético Madrid (2-0), a permis au club marseillais de toucher 23 millions d’euros de l’Union des associations européennes de football (UEFA) au titre de sa participation à la compétition. Une somme qui cumule primes de qualification et de performances, et redistribution des droits télévisuels.

Cette saison, l’OM aurait pu profiter de la forte augmentation de la dotation de la Ligue Europa, de 399 millions à 560 millions d’euros, distribuée aux participants. Mais ses médiocres résultats ne lui permettent d’espérer empocher qu’un maximum de 10 millions d’euros, entre la participation (2,92 millions d’euros déjà assurés), la prime au classement sur dix ans (2,8 millions, qui peuvent évoluer à la baisse) et les droits télé encore à déterminer.

L’OM va aussi connaître une baisse de ses recettes de billetterie, déjà affectées par les deux huis clos, total et partiel, imposés par l’UEFA pour les réceptions de Francfort et de la Lazio en début de saison. En 2017-2018, le parcours européen avait attiré 183 000 spectateurs dans le Stade-Vélodrome entre les 16e et la demi-finale. Le club a même disputé deux matchs à guichets fermés, contre le RB Leipzig (5-2) et les Autrichiens du RB Salzbourg (2-0).

Là encore, ce sont plusieurs millions d’euros qui ne tomberont pas dans les caisses marseillaises. Rien d’anodin sur un budget de 150 millions d’euros pour cette saison. Surtout dans un contexte d’augmentation de la masse salariale avec l’arrivée de joueurs très bien payés, comme le Néerlandais Kevin Strootman ou le Croate Duje Caleta-Car. Duo dont les émoluments estimés par la presse représentent une enveloppe globale de plus de 700 000 euros mensuels.

Négociation des contrats de sponsoring « moins facile »

« On ne peut pas parler de manque à gagner avec la Ligue Europa, car les clubs comme l’OM prévoient habituellement un budget prudent, n’incluant qu’une participation en phase de poules pour laquelle ils sont qualifiés et non des revenus qui dépendent de performances sportives qu’ils ne maîtrisent pas, relativise Christophe Lepetit, économiste au Centre de droit et d’économie du sport (CDES) de Limoges. La saison dernière, le parcours en Ligue Europa était donc un bonus hors budget. Mais un bonus qui aurait été le bienvenu cette année encore, pour contribuer à corriger un éventuel déficit. »

En mai, mis sous surveillance par l’UEFA dans le cadre de sa procédure sur le fair-play financier (FPF) pour avoir dépassé de 8 millions d’euros le seuil de déficit autorisé, l’OM avait dû expliciter son plan de développement et payer une amende négociée de 100 000 euros.
Une source proche de l’Instance de contrôle financier des clubs (ICFC) explique au Monde que l’OM reste sous surveillance pour la saison en cours. La solidité financière de Frank McCourt n’est pas en cause, mais les comptes annuels 2017-2018 de l’OM, « très déficitaires » selon cette source, troublent l’UEFA.

« Une élimination en poules est mauvaise pour l’image de marque et rend moins facile la négociation ou la renégociation de contrats de sponsoring. De même, il y a moins de publicité pour les meilleurs joueurs de l’effectif, dont la cote sur le marché des transferts est donc un peu moins bonne », complète l’économiste, spécialiste du football, Bastien Drut.

Pas sûr en effet que, malgré son but à Rome jeudi, Florian Thauvin ait gagné de la valeur dans cette Ligue Europa. Ni que les jeunes Maxime Lopez et Boubacar Kamara, issus du centre de formation de l’OM, aient convaincu de très grands clubs européens de miser sur eux.

L’ambition cette saison, retrouver la Ligue des champions

« En se faisant éliminer aussi tôt, l’OM redescend d’un niveau dans la concurrence européenne. Cela lui enlève l’argument commercial d’une visibilité internationale, notamment à l’heure où il entre dans la phase de renouvellement de son sponsor maillot », note Lionel Maltese, maître de conférences à Aix-Marseille université et un temps consultant auprès du club marseillais.

L’opérateur de télécommunications Orange, partenaire de l’OM jusqu’en 2022, n’a validé sa présence sur la poitrine des joueurs olympiens que jusqu’à la fin de la saison en cours et l’OM planche depuis quelques mois déjà sur le dossier.

« Frank McCourt a consenti d’importants investissements, financiers et humains, dans le domaine de la formation dans le but de créer de l’actif joueurs. Il a aussi récupéré l’exploitation totale du Stade-Vélodrome et doit maintenant la faire fructifier. La question est avec quelle rapidité ces investissements lourds vont-ils devenir rentables ? », pointe encore Lionel Maltese.

En octobre, le club a inauguré son « OM Campus » destiné à la préformation. Un site cédé par la municipalité de Marseille sous forme de bail emphytéotique [de très longue durée] dans lequel le club a investi 6 millions d’euros de fonds propres.

La piteuse sortie de route en Ligue Europa ne sera qu’un épisode vite oublié si le club remplit sa véritable ambition cette saison : retrouver la Ligue des Champions en terminant deuxième ou troisième de la Ligue 1.

« Depuis l’arrivée de ses nouveaux dirigeants, l’Olympique de Marseille avance plutôt dans un contexte favorable, porteur, avec un club qui revoit sa stratégie marketing, met en place des équipes, une structure qui peuvent être mieux interprétées par des investisseurs », jauge l’économiste Christophe Lepetit.

L’OM sait également qu’en 2020 l’explosion des droits télévisuels du football en France lui sera favorable. Une saison déjà pointée comme « essentielle » par le président Eyraud, qui a promis à plusieurs reprises qu’elle serait « la saison qui doit permettre à l’OM d’atteindre un équilibre financier pérenne ».

A condition de retrouver des résultats sportifs en phase avec l’ambition affichée.