L’ancien président (2007-2017) équatorien Rafael Correa à Ottignies-Louvain-la Neuve (Belgique), le 8 novembre, lors d’une interview à l’Agence France-Presse. / EMMANUEL DUNAND / AFP

Sommé la veille de se présenter devant la justice de son pays, l’ancien président équatorien Rafael Correa (2007-2017) s’est dit victime, jeudi 8 novembre, de « persécution politique ». M. Correa est accusé d’avoir commandité en 2012 l’enlèvement d’un opposant. L’ancien président, qui vit aujourd’hui à Bruxelles avec son épouse belge, proclame son innocence et vilipende juges et médias.

Mercredi 7 novembre, à Quito, la Cour suprême a confirmé la mise en examen de l’ancien président, annoncée en juin, et délivré une sommation à comparaître. La juge Daniella Camacho a indiqué que la cour détenait « des preuves suffisantes » pour accuser Rafael Correa « en tant que cerveau présumé de l’enlèvement de Fernando Balda ». La juge a par ailleurs annoncé le gel des comptes bancaires de l’ancien président et demandé une fois encore à Interpol d’émettre une « notice rouge » contre lui. M. Correa, qui ne peut pas être jugé par contumace au pénal, fait l’objet depuis le mois de juillet d’un mandat d’arrêt international. Il écrivait jeudi, sur son compte Twitter :

« Je n’attendais rien d’une justice qui écoute des consignes et non des arguments. Il est clair qu’ils veulent me maintenir en exil plusieurs années. Sur la scène internationale, ils n’arriveront à rien. Mais ils vont réussir à empêcher que je participe à la campagne de 2019. »

Des élections municipales sont prévues en mars.

Enlèvement raté

Selon l’AFP, M. Correa aurait déposé une demande d’asile politique en Belgique dès le mois de juin, avant même d’avoir été formellement requis par la justice. Ni Rafael Correa ni son avocat, Caupolican Ochoa, à Quito, n’ont accepté jeudi de confirmer le fait. Mais l’ancien président a fait savoir qu’il entendait bien utiliser toutes les voies juridiques pour se défendre de cette « brutale persécution judiciaire ».

Le parquet équatorien considère qu’il y a crime d’Etat. Exilé en Colombie avec sa famille, l’opposant de droite Fernando Balda avait été victime d’un enlèvement rocambolesque et raté à Bogota. L’enquête menée dans les deux pays a conduit à l’arrestation de deux anciens agents des services secrets équatoriens et à celle de Pablo Romero, le chef de l’agence de renseignements. Les deux premiers ont opté pour collaborer avec l’instruction – c’est sur la base de leurs témoignages que Rafael Correa est incriminé – ; M. Romero vit aujourd’hui en Espagne, fugitif de la justice équatorienne, qui réclame son extradition.

A l’annonce de la décision de la cour, M. Balda s’est exprimé devant les caméras :

« Ce n’est pas une victoire. Nous ne pouvons pas fêter le fait qu’aujourd’hui, l’Equateur tout entier constate judiciairement que ces faits criminels ont été ordonnés par un président de la République. »

Resté très populaire

Figure admirée de la gauche latino-américaine, Rafael Correa a dirigé son pays d’une main de fer pendant dix ans. Il reste très populaire auprès d’une partie de l’électorat équatorien et furieusement détesté par ses adversaires. Sur les réseaux sociaux, ses partisans réaffirment leur soutien « au meilleur président qu’a connu l’Equateur » et qualifient de « traître » et de « vendu » le président actuel, Lenin Moreno.

Vice-président de Rafael Correa de 2008 à 2012, M. Moreno a été élu en 2017 sous les couleurs du parti de son mentor, Alianza Pais (AP). Mais les deux hommes, hier alliés, sont aujourd’hui à couteaux tirés. AP s’est scindé. Plusieurs proches de M. Correa ont été poursuivis et condamnés pour corruption. C’est le cas de Jorge Glas, qui a été vice-président de Rafael Correa puis de Lenin Moreno. M. Glas, qui purge une peine de six ans de prison, a entamé une grève de la faim le 23 octobre. M. Correa ne cesse de dénoncer « la politisation de la justice » et « la fin de l’Etat de droit en Equateur », des reproches que formulaient ses adversaires à l’époque où il était au pouvoir.