Cinquième jour de la semaine d'itinérance mémorielle de l'Armistice de la guerre 14-18, d'Emmanuel Macron, président de la république, ici lors d’une cérémonie dans la nécropole nationale de Notre-Dame-de-Lorette, à Ablain-Saint-Nazaire (Pas-de-Calais), le 8 novembre 2018. / JEAN-CLAUDE COUTAUSSE / FRENCH-POLITICS POUR LE MONDE

Emmanuel Macron aime à descendre dans l’arène pour défendre ses convictions. Il affectionne également, dans un tout autre genre, la matière historique, surtout quand elle se mâtine de ce « tragique » dont il annonce régulièrement « le retour ». Peut-être est-ce aussi pour concilier ces deux inclinaisons que le président de la République a imaginé célébrer les cent ans de la première guerre mondiale par un périple qui mêle un passé douloureux et un présent lourd de récriminations sociales.

A l’usine Renault de Maubeuge, jeudi 8 novembre au matin, au cinquième jour de son « itinérance mémorielle » dans les Hauts-de-France et le Grand Est, Emmanuel Macron, au plus bas dans les sondages, a retrouvé des accents de campagne. De ceux qui avaient marqué les esprits dans la course à l’Elysée du candidat d’En Marche !, lorsqu’il avait affronté, en avril 2017, entre les deux tours de la présidentielle, les ouvriers en grève de l’usine Whirlpool à Amiens, auprès desquels son adversaire Marine Le Pen venait de se faire photographier tout sourire.

« Monsieur Macron, vous n’êtes pas le bienvenu ici », lui a lancé jeudi un syndicaliste de SUD, alors que le PDG du groupe automobile Carlos Ghosn venait d’annoncer 450 millions d’investissements sur le site et 200 embauches en 2019. Samuel Beauvois s’est dit exaspéré par la flambée du prix du carburant, comme tous ces Français qui appellent à sanctionner le gouvernement en bloquant les routes le 17 novembre. « On réussit sans vous », lui lance l’ouvrier. Mais, cette fois, contrairement aux jours précédents, le chef de l’Etat parvient à se sortir de la nasse, alors que l’attaque du salarié est mal accueillie par ses collègues, qui le huent. « Là, vous êtes ridicule, pardon de vous le dire », lui répond M. Macron, avant de se lancer dans un plaidoyer pour sa politique. « Le vrai pouvoir d’achat, c’est le travail », martèle-t-il, sous les applaudissements répétés de l’assemblée.

« Ça me conforte »

Cérémonie dans la nécropole nationale de Notre-Dame-de-Lorette, à Ablain-Saint-Nazaire, le 8 novembre 2018. / JEAN-CLAUDE COUTAUSSE / FRENCH-POLITICS POUR LE MONDE

Ce périple mémoriel est « un vrai bonheur », a commenté le président de la République, manifestement requinqué après cette altercation. « Les gens sont formidablement accueillants, ça me réjouit, ça me fait chaud au cœur, et ça me conforte », a-t-il poursuivi. M. Macron sait que le combat ne se termine pas toujours en sa faveur. Mardi comme mercredi, à chaque bain de foule, que ce soit à Charleville-Mézières ou à Verdun, il a été interpellé sur les prix de l’essence ou la hausse de la CSG, et malgré un effort indéniable de pédagogie, il n’a pas toujours réussi à convaincre.

Après avoir conquis les salariés de Renault, Emmanuel Macron a replongé dans le bain mémoriel jeudi après-midi, à Ablain-Saint-Nazaire. Il y a d’abord visité « l’anneau de la mémoire » de Notre-Dame-de-Lorette, sur lequel 580 000 noms de soldats, français, britanniques, canadiens, amérindiens mais aussi allemands morts entre 1914 et 1918 ont été gravés. Accompagné de l’historien Yves Le Maner, il a échangé avec les descendants de trois poilus. Notamment le petit-fils londonien de Kenneth Mathewson, d’origine canadienne, qui avait fait le déplacement alors qu’il a découvert l’existence de son grand-père il y a seulement quelques années. « Une histoire tellement incroyable qu’elle ne peut qu’être vraie », a commenté le président.

Emmanuel Macron a ensuite assisté à une cérémonie dans la plus grande nécropole militaire française, qui abrite 20 000 tombes et autant d’anonymes regroupés dans huit ossuaires. Revue des troupes, ravivage de la flamme du soldat inconnu, recueillement dans la crypte de la Tour Lanterne…, le chef de l’Etat a aussi pris le temps de saluer un à un chacun des porte-drapeaux qui assistait à l’événement.

« Casse-toi »

La soirée lui a sans doute apporté moins de satisfaction. Interrogé sur France 3, Emmanuel Macron est revenu sur la polémique autour du maréchal Pétain qu’il a lui-même contribué à faire naître, en jugeant légitime mercredi de l’inclure, sans le nommer, dans un hommage rendu samedi aux maréchaux de la Grande Guerre. Depuis, il a fait machine arrière et assure qu’il n’a jamais été question de rendre le moindre hommage au chef du régime de Vichy. « Je ne crois pas à la police de l’Histoire », a-t-il cependant lancé, « dans nos maréchaux, il y avait Pétain. Il a été un grand soldat, c’est la vérité historique », avant de prendre en 1940 « au nom de l’Etat français des décisions impardonnables ».

En fin de journée, Emmanuel Macron s’est rendu à Arras où il a remis la Légion d’honneur à Léon Fatous, l’ancien maire de la ville. A la sortie de l’hôtel de ville, il a de nouveau dû affronter des quolibets, qui ont recouvert des applaudissements timides. « Casse-toi », lui a lancé l’un des mécontents. A ce moment-là de la soirée, il était près de 22 h 30, le chef de l’Etat n’a pas fait part de son « bonheur ».