La métropole d’Orléans, qui cherche à favoriser l’intermodalité, a aménagé une douzaine de parking relais, avec abri de vélos sécurisé, le long de sa ligne de tram. / Benjamin Dubuis

La popularité de l’appel aux blocages de routes, le 17 novembre, pour dénoncer la hausse des prix des carburants ne cesse de s’amplifier. Et ce malgré l’objectif de réduction des émissions carbonées. Mais la voiture individuelle reste incontournable pour beaucoup.

Selon les résultats du troisième Observatoire des mobilités émergentes réalisé par l’agence Chronos et l’Observatoire société et consommation (ObSoCo), que Le Monde a pu consulter en avant-première, deux tiers des automobilistes (67 %) déclarent « ne pas avoir la possibilité de choisir leur mode de déplacement ». Et cette absence de choix est d’autant plus prégnante à mesure que l’on s’éloigne des centres urbains.

Si 32 % des ménages des grandes agglomérations disent ne pas avoir d’autre choix que la voiture pour se déplacer au quotidien, ce chiffre bondit à 83 % dans les communes rurales isolées. « Cet écart révèle un vrai clivage : la mobilité est devenue une source de fracture territoriale », constate Bruno Marzloff, directeur de Chronos, qui déplore que les questions de mobilité hors des centres urbains soient un « angle mort » des politiques publiques.

« Améliorer la desserte en transports en commun classiques ne peut pas être l’unique solution dans les territoires périurbains et ruraux, relève Marie Huyghe, chercheuse au laboratoire CNRS-Citeres et consultante en mobilité. Aujourd’hui, l’utilisation de la voiture est tellement satisfaisante qu’aucune offre de transport en commun, aussi performante soit-elle, n’entraînera nécessairement un report. Il est nécessaire de développer un bouquet de services de mobilité beaucoup plus divers. »

En repensant son plan de déplacement, la métropole d’Orléans (22 communes, 282 000 habitants) a fait de l’atténuation de cette fracture territoriale entre son centre urbain et ses communes périphériques une priorité. Outre la mise en place de trois lignes de bus express reliant la gare d’Orléans aux différentes zones d’activités situées au nord de son territoire, l’agglomération a développé un service de transport à la demande pour désenclaver les petites communes de l’Est, mal desservies par les transports en commun. « Avec ce service, Résa’Est, nous voulons aider les personnes à mobilité réduite à réduire l’usage de la voiture individuelle », explique Stéphanie Anton, adjointe au maire d’Orléans chargée du développement durable.

Depuis avril, les habitants de quatre communes de cette zone peu dense de la métropole ont la possibilité de réserver (par téléphone ou par une application mobile et Internet), jusqu’à cinq minutes avant leur déplacement, un bus qui viendra les chercher à l’arrêt le plus proche de leur domicile. « Très vite, il y a eu une explosion des demandes. Nous atteignons aujourd’hui les 3 300 passagers par mois », relève Stéphanie Anton. Forte de ce succès, la métropole a décidé d’étendre ce service à trois autres communes et envisage d’aller chercher les gens directement devant leur domicile.

Une implication des entreprises déterminante

Le service de covoiturage du quotidien lancé en 2017, avec l’application Klaxit, n’a pas eu le même succès. La collectivité proposait d’indemniser les trajets domicile-travail des automobilistes transportant des passagers. Mais le dispositif n’a généré qu’une timide adhésion. L’expérience a été stoppée au bout de six mois. « Il est nécessaire d’accompagner les changements de comportement, relève Mme Anton. Les gens ne vont pas passer à un autre mode de déplacement parce qu’il est plus écologique. Face à la souplesse qu’offre la voiture individuelle, il faut trouver d’autres arguments, jouer sur les gains de temps, l’accessibilité, l’intermodalité… » La métropole d’Orléans n’a pas abandonné l’idée du covoiturage, mais elle ne relancera pas un tel service sans impliquer les entreprises.

« L’implication des employeurs est déterminante », affirme Nolwen Biche, du service mobilité de la communauté d’agglomération de Saint-Nazaire, qui s’attache depuis trois ans à travailler avec les entreprises pour qu’elles promeuvent les services de mobilité alternatifs à la voiture individuelle et incitent leurs salariés à y recourir. « Le covoiturage se développe s’il y a une animation territoriale. »

Cette agglomération a lancé son propre service de covoiturage il y a une dizaine d’années. Dans chaque commune, une si ce n’est deux aires de stationnements spéciales ont été aménagées. Et depuis mai, l’agglomération s’est associée à Brest, Nantes et Rennes pour mettre en place une nouvelle plate-forme mutualisée pour le covoiturage de proximité, OuestGo. « Notre cible, ce sont les trajets domicile-travail qui font, pour beaucoup, entre quatorze et vingt kilomètres. Nous voulons toucher les salariés, qu’ils soient habitants de l’agglomération ou vivent au-delà de notre territoire et viennent y travailler, explique Nolwen Biche. L’objectif de ce service mutualisé est d’atteindre une masse critique, sachant que l’équilibre économique est plus difficile à trouver pour le covoiturage de courte distance. »

Le vélo, gisement de mobilité sous-exploité

L’agglomération de Saint-Nazaire comme celle d’Orléans se sont aussi lancées en 2017 dans un service de location longue durée (jusqu’à un an) de vélos à assistance électrique – ce qui évite d’avoir à aménager des stations. « Le vélo représente un gisement de mobilité sous-exploité, car les déplacements de moins de cinq kilomètres représentent 46 % du total de la mobilité quotidienne en périurbain et 55 % en milieu rural. Et l’essor des vélos à assistance électrique permet d’envisager un doublement des distances parcourables », relève l’expert en mobilité Marc Fontanès.

Le Parc national régional des Grands Causses (93 communes, Aveyron) qui s’est engagé depuis quelques années dans une série d’expérimentations et d’actions sur les mobilités alternatives à la voiture individuelle (covoiturage, auto-stop sécurisé, et même auto-partage avec des véhicules de collectivités et d’entreprises), a, lui, développé un dispositif de prêt gratuit pour dix jours de vélos électriques.

« Cela a eu un vrai succès : nombreux sont ceux qui achètent, après l’expérimentation, leur propre engin, souligne Florent Tarrisse, le directeur du parc. Nous devons faire preuve d’imagination et rechercher toutes les solutions possibles autres que le transport en commun. Mais il faut passer beaucoup de temps à expliquer, à démontrer l’intérêt des mobilités alternatives à la voiture individuelle. C’est vraiment un enjeu culturel. »

Mercredi 21 novembre, « Le Monde » organise, dans son auditorium, une conférence d’une matinée « Mobilité : l’explosion des possibles », en partenariat avec La Fabrique de la Cité. Marie Huyghe, chercheuse et consultante en mobilité, et Julien Honnart, président et fondateur de Klaxit, font partie des intervenants.

Inscription et programme ici (entrée libre)