A Mossoul, le 9 novembre, sur le site de l’attaque à la voiture piégée. / ZAID AL-OBEIDI / AFP

Au point de sécurité à l’entrée du vieux pont de Mossoul qui enjambe le Tigre, un policier se lamente d’un ton résigné : « On n’en finira jamais de Daech ». Jeudi 8 novembre, la capitale du nord de l’Irak a connu sa première grande attaque depuis qu’elle a été libérée du joug de l’organisation Etat islamique (EI) en juillet 2017. A la tombée de la nuit, une voiture piégée a explosé dans la rue jouxtant le célèbre restaurant Abou Leïla, dans l’ouest de la ville. « Selon le dernier bilan, trois personnes ont été tuées et seize blessées », indique en fin de soirée le colonel Obeid, le commandant des unités d’intervention rapide de Mossoul, présent sur place pour superviser les opérations. Deux clients du restaurant font partie des victimes et plusieurs de ses employés ont également été blessés, précise Abou Leïla, le propriétaire des lieux.

Les dégâts auraient pu être bien pires dans cette institution prisée des Mossouliotes et des militaires, bondée à cette heure. « Ils ont garé le véhicule dans la rue, séparée du restaurant par une palissade, et sont partis. Il contenait une charge rudimentaire. L’explosion n’a pas été importante », poursuit le colonel Obeid. Alors que le commandement militaire irakien a évoqué, dans un communiqué, « une attaque terroriste à la voiture piégée », l’officier se refuse à attribuer des responsabilités avant la fin de l’expertise. Il balaie d’un revers de main les rapports alarmants qui montrent une résurgence de cellules djihadistes à Mossoul comme dans le reste du pays, où se multiplient les attaques, les enlèvements et le racket, suggérant plutôt une attaque « à caractère politique pour déstabiliser Mossoul et sa population ». Les djihadistes « pensent qu’ils peuvent recruter et se recomposer pour mener des actions, mais avec toutes les forces présentes à Mossoul, on les empêchera de le faire », assure le colonel Obeid.

« C’est un très mauvais signe »

L’attentat est une tache noire sur le bilan positif dont se targuent les forces de sécurité de la ville depuis un an. Après avoir enduré plus d’une décennie de violences et trois années sous la terreur de l’EI, Mossoul a renoué avec la sécurité. Jusque tard dans la nuit, les Mossouliotes s’attardent dans les nombreux restaurants, cafés et magasins qui ont rouvert. Quelques boutiques d’alcool ont retrouvé pignon sur rue. « Daech est fini à Mossoul, veut croire le général Jassim Mohammed, du commandement des opérations de Ninive. Nous procédons à des arrestations, mais de moins en moins nombreuses, et nous surveillons de près les membres des familles pro-EI qui sont restées en ville. Les Mossouliotes nous aident en nous fournissant des informations. »

Ni l’attaque ni le renforcement consécutif des barrages de sécurité n’ont détourné les Mossouliotes des nouvelles habitudes prises. Les feux d’artifice et les musiques festives ont continué de résonner depuis les salles de mariage et les cafés de la corniche toute la soirée, dans l’est de la ville. Mais l’attentat a tout de même ravivé certaines craintes et mauvais pressentiments. « C’est un très mauvais signe. On sait qu’il y a des cellules dormantes qui se recomposent, surtout dans l’ouest de la ville. L’Ouest, ça reste une zone rouge », se désole Mohamed, un étudiant de 27 ans de l’est. Pour certains, comme Fawwaz, un habitant de la vieille ville, la certitude est ancrée que le calme sera de courte durée. « C’est toujours pareil, on a la paix et la sécurité pendant un an avant que ça se détériore. Ça a été comme ça avec Daech, ça va l’être aussi après la libération ! »