Séréna, aujourd’hui âgée de 7 ans, a passé les deux premières années de sa vie dans un coffre de voiture. Sa mère, Rosa, est jugée à partir de lundi 12 novembre à Tulle (Corrèze) pour violences suivies de mutilation ou infirmité permanente sur mineur de 15 ans par ascendant, privation de soins ou d’aliments compromettant la santé d’un enfant par ascendant, et dissimulation ayant entraîné atteinte à l’état civil d’un enfant.

L’affaire éclate en octobre 2013 lorsqu’un garagiste de Terrasson (Dordogne) découvre, dans le coffre de voiture d’une cliente, un enfant de près de deux ans dans un couffin, nue, sale, déshydratée, les yeux se révulsant, entourée d’excréments et de jouets, le tout dans une odeur pestilentielle. Combien de temps a-t-elle vécu là ? Quelle a été sa vie ? A-t-elle une identité ? Pompiers puis gendarmes alertés, Rosa, âgée de 50 ans, et son mari sont placés en garde à vue puis mis en examen.

Le père a ensuite bénéficié d’un non-lieu. Pour la justice, rien ne permet d’infirmer ce qu’il a toujours soutenu : il n’a jamais eu connaissance de la grossesse de sa femme, puis de l’existence de l’enfant. Le couple a trois autres enfants de 6 à 12 ans, normalement scolarisés et socialisés.

« Séréna émet des sons, mais ne parle pas »

Quant à l’accusée qui encourt vingt ans de réclusion criminelle, son avocate Me Chrystèle Chassagne-Delpech, explique que Rosa a été « totalement dans le déni de grossesse ». Néanmoins, sa cliente n’a pas eu le « geste fatal » qu’ont de nombreuses femmes en déni de grossesse jusqu’au néonaticide, mais l’a « laissée en vie… d’une certaine façon », avait-elle dit.

C’est ce comportement « après » qui sera, lui aussi, interrogé. Cette zone grise entre maltraitance psychologique et émotionnelle, relevée par les experts, et les soins – biberons, câlins… – que la mère assure avoir apportés à l’enfant. La mère elle-même, dans une interview à TF1 à la fin de 2013, expliquera avoir accouché seule à l’aube, n’avoir pu en parler à personne le jour même, ni le lendemain, ni le surlendemain. Et s’être « enfermée dans un mensonge, un gouffre ». Elle racontera qu’elle nourrissait l’enfant, la sortait du coffre, passait du temps avec elle le soir, même si « elle ne pouvait s’en occuper comme des trois autres ».

« C’est un dossier très complexe, et il est important d’avoir des réponses à un certain nombre de questions », résumait à la veille du procès Martine Brousse, présidente de La Voix de l’enfant, l’une des trois associations de l’enfance parties civiles.

« Le dossier met en avant le déni de grossesse, qui ne paraît pas contestable. Mais il évoque aussi un “déni de l’enfant”, ce qui scientifiquement n’est pas prouvé. Or, quand les spécialistes explorent le “rejet de l’enfant”, ils tombent souvent sur de la maltraitance. »

Séréna a de « nombreuses carences ». Elle vit aujourd’hui dans une famille d’accueil en Corrèze. « Elle marche, elle court dans la nature, elle fait du vélo, elle aime faire beaucoup de vélo. Mais elle ne supporte pas d’être enfermée », précise à l’Agence France-Presse une source proche du dossier. « Mais si vous essayez de lui parler, elle ne vous calcule pas. Elle émet des sons, mais ne parle pas. »