Yasin Aktay, un conseiller du président turc Erdogan, lors d’une conférence organisée au quarantième jour du meurtre du journaliste Jamal Khashiggi, à Istanbul, le 11 novembre. / Neyran Elden / AP

La Turquie a fustigé, lundi 12 novembre, le ministre français des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, pour ses remarques sur le « jeu politique » mené par le président turc Recep Tayyip Erdogan à propos du meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, assassiné dans le consulat de son pays à Istanbul, le 2 octobre.

Embarrassé par cette volée de bois vert, le Quai d’Orsay a aussitôt évoqué un « malentendu », expliquant que Jean-Yves Le Drian voulait dire qu’il n’avait pas reçu d’informations lui permettant d’établir dans l’affaire Khashoggi la « vérité complète, qui est la seule qui nous importe et ne tient pas seulement à des enregistrements turcs qu’elle qu’en soit la nature ».

Tout est parti de l’interview que M. Le Drian a accordée à la chaîne de télévision France 2 et dans laquelle il a dit ne « pas avoir connaissance » d’un partage d’informations sur la mort du journaliste. « Si le président turc a des informations à nous donner, il faut qu’il nous les donne », a-t-il expliqué, allant jusqu’à évoquer de sa part « un jeu politique particulier dans cette circonstance ». Ce qui revenait à accuser le président Recep Tayyip Erdogan de mensonges. Car quelques jours plus tôt, le numéro un turc avait justement confirmé, pour la première fois, l’existence d’enregistrements prouvant le meurtre de Khashoggi dans l’enceinte du consulat saoudien.

Ankara a bien partagé ces preuves avec ses alliés, notamment avec Washington, Ottawa, Berlin, Londres et Paris. Toutefois, l’origine de ces enregistrements reste floue, laissant à penser qu’ils ont été obtenus par le biais d’écoutes effectuées au sein du consulat saoudien.

« Extrêmement impoli »

« Accuser notre président de jouer un jeu politique est extrêmement impoli », a fustigé Mevlut Cavusoglu, le chef de la diplomatie turque, soulignant que son homologue français « avait dépassé les bornes » et qu’il lui fallait « apprendre à s’adresser à un chef d’Etat ». Ankara assure que des éléments d’information, y compris le script d’un enregistrement audio, ont été remis dès le 24 octobre à un représentant des services français sur place.

« Si la communication est mauvaise entre les différentes agences du gouvernement français, c’est aux autorités françaises – et non turques – de régler ce problème », a fulminé Fahrettin Altun, le directeur de la communication du président Erdogan. Jugeant « inacceptables » les propos de M. Le Drian, il a rappelé comment, sans les « efforts résolus de la Turquie » pour le révéler, le meurtre de Jamal Khashoggi aurait été complètement passé sous silence.

Le premier ministre canadien, Justin Trudeau, a d’ailleurs confirmé, lundi, que les services canadiens avaient été « pleinement informés de ce que la Turquie avait à partager ». L’affaire Khashoggi est devenue le principal cheval de bataille du président Erdogan, bien décidé à maintenir la pression sur Riyad.

Le corps de Jamal Khashoggi n’a toujours pas été retrouvé. Selon la presse turque, ses meurtriers, une équipe de quinze « barbouzes » envoyés par Riyad, auraient tué puis démembré l’éditorialiste au Washington Post, ardent critique du prince héritier saoudien Mohammed Ben Salman. Sa dépouille aurait ensuite été dissoute dans de l’acide.