Le ministre de l’intérieur espagnol Fernando Grande-Marlaska et son homologue français Christophe Castaner (gauche) à Madrid le 12 novembre. / JAVIER SORIANO / AFP

Flux migratoires en hausse, renforcement des contrôles à la frontière et augmentation des procédures de refoulements entre la France et l’Espagne. C’est dans un contexte compliqué que le ministre de l’intérieur Christophe Castaner s’est rendu à Madrid, lundi 12 novembre, en visite officielle auprès de son homologue, l’ancien juge Fernando Grande-Marlaska.

Venu signer un accord bilatéral prévoyant l’accueil de gardes civils à l’école de Gendarmerie de Dijon, M. Castaner en a profité pour défendre davantage de coopération avec l’Espagne sur la question migratoire, après plusieurs « incidents » recensés à la frontière franco-espagnole, mais aussi pour préparer avec son homologue espagnol sa prochaine visite au Maroc, prévue jeudi 15 et vendredi 16 novembre.

Non-admissions en augmentation

Avec près de 54 000 personnes arrivées sur les côtes espagnoles depuis le début de l’année, soit 156 % de plus qu’en 2017, l’Espagne est devenu la principale porte d’entrée de migrants en Europe depuis la fermeture des ports italiens. On est très loin des arrivées massives de 2015, quand 1,8 million d’arrivées avaient été enregistrées en Europe. Mais chaque semaine, des centaines de personnes, partant des côtes marocaines, traversent le détroit de Gibraltar ou la mer d’Alboran pour rejoindre l’Andalousie.

Or, une fois arrivés en Espagne, la plupart cherchent à poursuivre leur route jusqu’en France ou les pays du nord de l’Europe, ce qui a poussé Paris à renforcer les contrôles à la frontière espagnole. Les non-admissions ont ainsi augmenté en moyenne de 20 % depuis le début de l’année (62 % du côté basque), avec près de 10 500 refus d’entrée prononcés. Non sans provoquer quelques couacs.

« Dans certains cas, les procédures n’ont pas été respectées », explique-t-on au ministère de l’intérieur espagnol. Fin octobre, des images filmées par la télévision publique basque ont provoqué un malaise à Madrid. On y voit des policiers français contrôler un groupe de migrants subsahariens à Hendaye, les faire monter dans un fourgon banalisé pour les raccompagner jusqu’au pont qui sépare la France de l’Espagne et les obliger à faire le chemin du retour à pied. Or, s’il existe bien un accord entre Madrid et Paris qui encadre les rejets à la frontière, celui-ci oblige notamment les autorités françaises à raccompagner les personnes interpellées auprès de leurs homologues espagnols afin que ces derniers les enregistrent au commissariat.

« Dysfonctionnements »

Tout en vantant la coopération franco-espagnole, comme le « paradigme de ce que devrait être l’espace de liberté, de sécurité et de justice européen », M. Marlaska a évoqué ces « dysfonctionnements et petits incidents » qu’il a pu aborder directement avec le ministre français grâce à la « confiance réciproque » tissée entre les deux pays. « La situation n’est en rien comparable avec les tensions qui existent à la frontière avec l’Italie », précise un conseiller du ministre français.

Pour y remédier, M. Castaner a annoncé la création d’un « coordinateur en France », dont le rôle consistera à « fluidifier les relations et la bonne gestion à la frontière, pour qu’aucun incident en puisse se réaliser », tout en défendant que « le principe de non-admission à la frontière est prévu dans les règles européennes ».

Le locataire de la Place Beauvau s’est dit par ailleurs favorable à « faire évoluer les règles de Dublin », selon lesquelles les migrants qui souhaitent demander l’asile doivent le faire dans le premier pays européen où ils arrivent, pour qu’elles maintiennent le « principe de responsabilité », exigé aux pays d’entrée, tout en renforçant la « solidarité intra-européenne ».

Mouvements migratoires puissants

Plus tôt dans la matinée, M. Castaner s’était rendu au Centre de coopération franco-espagnole policière et douanière du Perthus (Pyrénées-Orientales), où travaillent ensemble des agents des deux pays. Il a évoqué la possibilité d’y déplacer le poste de contrôle de la frontière, actuellement situé au niveau du péage du Boulou, comme cela s’était produit après les attentats de novembre 2015 à Paris. « Il y a des mouvements migratoires puissants sur les Pyrénées et une partie des populations qui a pu s’arrêter ces derniers mois en Espagne, par exemple pour des travaux saisonniers, peut vouloir venir en France, a-t-il expliqué.

En conclusion, le ministre espagnol, M. Marlaska, a pour sa part rappelé que « la population africaine va doubler d’ici à 2050 » et défendu « une aide au développement stable pour les pays d’origine », comme « politique réelle » face à la question migratoire.

En Espagne, une forte hausse des arrivées de migrants