L’avis du « Monde » – à voir

Il y a un quart de siècle, le documentariste Henri-François Imbert, aujourd’hui quinquagénaire, consacrait son premier court-métrage à André Robillard, figure de l’art brut, connu pour les assemblages en forme d’armes à feu qu’il bricole à partir de matériaux de récupération. Après dix ans d’absence des salles (son dernier long-métrage, Le Temps des amoureuses est sorti en 2008), Henri-François Imbert revient avec André Robillard, en compagnie, qui est à la fois un film d’une extrême modestie, à l’image de sa figure centrale, et une somme historique qui embrasse l’air de rien l’itinéraire d’un artiste, l’histoire d’une institution et la trajectoire du cinéaste.

André Robillard s’occupait de l’assainissement de l’hôpital psychiatrique des Aubrais, où il était interné depuis 1939, lorsque en 1964, il assembla ses premiers fusils. Ceux-ci trouvèrent le chemin du Musée d’art brut de Lausanne, grâce à Jean Dubuffet et au conservateur Michel Thévoz. Lorsque en 1993, Henri-François Imbert le filme une première fois, c’est déjà un artiste connu. Au fil des ans, Robillard étend son champ de création, se produisant dans un spectacle conçu en 2009 par Alexis Forestier, six ans plus tard, alors qu’il réside toujours à l’hôpital des Aubrais, il est fait chevalier des arts et lettres.

Conversations à bâtons rompus

Suivant le plasticien et performeur dans sa tournée, Henri-François Imbert en tire le portrait, comme par inadvertance. Le réalisateur est trop réservé pour se livrer au jeu de la biographie intime. C’est le filmé lui-même, plus extraverti que le filmeur, qui livre des pans de son existence, au fil de conversations à bâtons rompus, de rencontres avec d’autres patients au fil d’une tournée qui s’arrête parfois dans d’autres établissements psychiatriques.

C’est à Saint-Alban qu’est née la psychiatrie institutionnelle, sous l’impulsion, entre autres, de François Tosquelles, combattant républicain en exil, puis résistant

L’une de ces étapes, à Saint-Alban en Lozère, permet à Imbert d’infléchir légèrement le cours de son film. C’est à Saint-Alban qu’est née la psychiatrie institutionnelle, sous l’impulsion, entre autres, de François Tosquelles, combattant républicain en exil, puis résistant. Organiquement, sans forcer la démonstration, Henri-François Imbert articule l’histoire de la psychiatrie et celle du pays, et – à travers la figure d’André Robillard – conçoit la place idéale que devrait y occuper l’art.

Ce qui paraît extraordinairement ambitieux, pour ne pas dire prétentieux. Le film est préservé de cet écueil par deux puissants antidotes : la résolution du cinéaste à ne jamais se mettre en avant et l’énergie inépuisable d’André Robillard, désormais octogénaire. Entre ces deux pôles surgissent l’énergie et le plaisir de vivre qui sont la marque de ce documentaire doucement utopique.

Bande-annonce du précédent documentaire d’Henri-François Imbert, André Robillard, en chemin (2013) :

André Robillard en chemin
Durée : 02:50

Documentaire français d’Henri-François Imbert (1 h 32). Sur le Web : www.lecinemadehenrifrancoisimbert.com/filmographie/andre-robillard-en-compagnie