Un homme porte les drapeaux de l’Erythrée (à gauche) et celui de l’Ethiopie lors de l’arrivée du président érythréen à l’aéroport de Godar, en Ethiopie, le 9 novembre 2018. / EDUARDO SOTERAS / AFP

Près de dix ans après avoir imposé des sanctions à l’Erythrée pour son soutien présumé à des groupes armés somaliens, le Conseil de sécurité de l’ONU devait voter, ce mercredi 14 novembre, une levée de l’embargo sur les armes et mettre un terme au gel des avoirs et interdictions de voyager qui touchaient le pays depuis 2009. Selon des diplomates, le vote devrait être unanime et saluer ainsi « le réchauffement des relations entre l’Erythrée et l’Ethiopie et la dynamique régionale positive » engagée depuis la signature d’un accord de paix entre les deux pays en septembre, en Arabie saoudite, qui met fin à deux décennies d’un conflit larvé.

L’Ethiopie, qui siège en ce moment comme membre non permanent au Conseil de sécurité, demandait depuis juillet – et les premiers signaux de réconciliation – la levée de ces sanctions qualifiées par Asmara « d’infondées et contraires à la loi ». L’enjeu pour Addis-Abeba était surtout « que l’Erythrée ne se braque pas » et poursuive son ouverture politique qui pourrait bénéficier à toute la Corne de l’Afrique, souligne un responsable, au fait du dossier, qui veut croire à « un réveil démocratique qui serait bienvenu ».

Les Etats-Unis et la France, proches alliés de Djibouti, où les deux pays disposent de bases militaires, souhaitaient toutefois plus de garanties. Les rencontres, fin septembre à New York, du ministre des affaires étrangères érythréen, Osman Saleh, et du président du comité des sanctions, l’ambassadeur du Kazakhstan, Kairat Umarov, puis du conseiller du président érythréen et du groupe d’experts début octobre ont, semble-t-il, permis de lever les dernières réticences.

« Poids lourd régional »

Un changement d’attitude de Washington au plus haut niveau – certains diplomates évoquant la possibilité d’une intervention personnelle du conseiller à la sécurité nationale, John Bolton – aurait accéléré le processus pour lever des sanctions auxquelles les Etats-Unis s’opposaient chaque année. Le principe de réalité aurait primé, selon un fonctionnaire, Washington reconnaissant à l’Ethiopie le rôle de « poids lourd régional » et la nécessité d’encourager une dynamique locale soutenue par ailleurs par les Emirats arabes unis et l’Arabie saoudite.

Selon la résolution, préparée par les Britanniques et consultée par Le Monde, la question érythréenne ne devrait toutefois pas disparaître totalement de l’agenda du Conseil. Pour contenter Djibouti, peu enthousiaste devant les dernières initiatives diplomatiques et désireuse que l’ONU maintienne la pression sur Asmara, le texte enjoint à l’Erythrée d’œuvrer à une normalisation des relations avec son voisin djiboutien, à mettre un terme au conflit frontalier qui les oppose depuis une décennie dans le respect du droit international, par la conciliation, l’arbitrage ou un règlement judiciaire, ou par tout autre moyen convenu de règlement des différends pacifiques défini à l’article 33 de la Charte des Nations unies.

Les deux pays doivent aussi régler la question des nombreux prisonniers de guerre. Le secrétaire général Antonio Guterres doit par ailleurs faire un rapport écrit au Conseil à la mi-février, puis tous les six mois, pour évaluer les progrès réalisés. Aucun mécanisme de retour des sanctions n’est en revanche prévu en cas de manquement.

La levée des sanctions était un « serpent de mer ». Le groupe d’experts, mis en place pour enquêter sur le soutien supposé de l’Erythrée à des groupes armés somaliens – dont les terroristes d’Al-Shabab –, n’a en effet « rien trouvé » selon un diplomate et cela pour la cinquième année d’affilée.