Le prix Goncourt des lycéens a été attribué à David Diop pour Frère d’âme (Seuil, 176 p., 17 euros), jeudi 15 novembre. Sélectionné pour de nombreux prix (Goncourt, Renaudot et Médicis), Frère d’âme semblait parti pour être le grand oublié de la saison, en dépit de ses indéniables qualités littéraires et de son sujet, en ce centenaire de l’armistice : la première guerre mondiale, et la sauvagerie de la guerre. Les jurés lycéens (qui se prononcent à partir de la première sélection du prix Goncourt) ont empêché cet affront, et récompensé le deuxième roman de David Diop, maître de conférences en littérature à l’université de Pau.

Le rythme de la guerre

Né à Paris en 1966, il a passé son enfance au Sénégal, pays d’où est issu le narrateur du roman, Alfa Ndiaye. Alors que ses camarades ont tous été massacrés, lui a été envoyé à l’arrière-front, d’où il raconte son voyage sur le champ de bataille. Il y a perdu le sens du sacré, son âme et son ami d’enfance, Mademba Diop. Eventré par l’ennemi allemand, ce dernier l’implorait de l’achever. Le jeune tirailleur sénégalais a préféré écouter les lois des ancêtres qui interdisent de tuer.

Mais que valent-elles dans cet enfer ? Depuis la mort de Mademba, Ndiaye est convaincu qu’il n’y a plus de lois dans le monde présent, qu’il peut tout faire, tout penser. Une fois la retraite sonnée, il rampe en cachette jusqu’aux lignes ennemies, cherche les yeux bleus qui ont tué son ami – ou d’autres –, éventre, égorge et, de son coupe-coupe, détache une main. Tandis qu’Alfa déroule ses souvenirs, deux voix se confrontent dans la sienne ; l’une est saccadée, hantée, le rythme de la guerre s’y entrechoque, avec une autre, plus apaisée, quand il relate son enfance. Ce Goncourt vient clore les commémorations du centenaire de la première guerre mondiale sur un mode subversif et dans une langue superbe.

En ce trentième anniversaire du Goncourt des lycéens, le prix doit être remis à David Diop à l’Elysée, dans la soirée du 15 novembre.