Modifier son pseudonyme pour montrer sa « colère » : au début du mois de novembre, Rachida, infirmière libérale de 56 ans, a décidé d’ajouter les hashtags #SansMoiLe17 et #EnBleuLe17 à l’intitulé de son profil sur Twitter. Une manière, pour cette bénévole d’un comité local de La République en marche (LRM) dans la Drôme, de montrer « sa colère » face à l’émergence du mouvement des « gilets jaunes », créé en réaction à l’annonce de l’augmentation de la fiscalité sur le diesel, et qui prévoit de nombreux blocages d’axes routiers, samedi 17 novembre.

« Je comprends leur colère, explique celle qui se décrit comme “porte-flingue” et “macroniste”. Mais la transition écologique est nécessaire, la mesure était dans le programme du président et cela ne servira à rien de bloquer l’activité économique du pays. » Armée de ces arguments, Rachida tente de répondre, par des dizaines de messages publiés chaque jour, aux millions de vues cumulées par les publications postées par les « gilets jaunes » sur les réseaux sociaux.

Le hashtag #SansMoiLe17, systématiquement utilisé dans ses Tweet, est le slogan repris par des centaines d’internautes, tous opposés aux blocages prévus le 17 novembre et pour beaucoup partisans de la politique d’Emmanuel Macron. Utilisé pour la première fois par un collaborateur de La République en marche à Strasbourg, le 26 octobre, il est depuis devenu presque aussi influent que ceux des « gilets jaunes » sur Twitter.

« Un combat permanent »

Pour Laurent Segnis, qui a aussi ajouté le hashtag à son pseudonyme, faire face au mouvement est devenu « un combat permanent ». « Je me sers de Twitter pour me battre tous les jours contre les faux arguments portés de manière simpliste par des populistes », revendique le juriste de 36 ans, impliqué dans un comité local LRM du Val-de-Marne. « Oui c’est dur, oui la situation est compliquée, lance le Guadeloupéen, devenu soutien d’Emmanuel Macron après quatorze ans de militantisme au Parti socialiste. Mais je comprends le principe de solidarité et je la ferme, je serre la ceinture parce qu’on a un gouvernement qui est dans l’action et que les choses vont dans le bon sens. »

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Comme Laurent Segnis, de nombreux anti- « gilets jaunes » critiquent autant la forme prise par le mouvement – notamment les « coups de gueule » de particuliers à l’origine de son succès – que sa récupération politique. « C’est un mouvement populaire repris par des populistes, estime Damien, agent immobilier de 46 ans dans les Alpes-Maritimes. Ils veulent juste faire le buzz et faire tomber Macron. » Sur son compte Twitter, Damien alterne la dénonciation des arguments des « gilets jaunes » sur la hausse du prix du carburant avec la reprise de messages postés par les membres du gouvernement ou de la majorité présidentielle. Soutien du président, mais « pas militant », il commente et répond aussi directement aux militants « d’en face », qui soutiennent le mouvement du 17 novembre.

« Je suis un “troll”, explique-t-il. Je retweet beaucoup, ça fait parler, c’est lu et relu des deux côtés, mais tout ça, pour moi, c’est du bruit, ce n’est pas très important. » Très présents et parfois agressifs sur Twitter, quitte à assumer une forme de dépendance au réseau, les anti- « gilets jaunes » y déplorent pourtant un « niveau pathétique » du débat. « Je suis dans une spirale de publication maintenant. Il faut que j’arrête, avoue Rachida. Je peux avoir des interventions musclées, je suis agressive quand les gens sont agressifs. » « Twitter est un lieu d’échange très violent, car coercitif en limitant les messages à 280 caractères », concède, de son coté, Laurent Segnis, qui n’imagine cependant pas s’en passer.

La chemise bleue contre le gilet jaune

Jean Dorsans, le créateur du hashtag #EnBleuLe17 – une référence à la couleur du drapeau européen –, assume ce paradoxe sur Twitter : « C’est en mettant la situation sur la table de manière un peu radicale que l’on permet une prise de conscience sur l’extrémisme du débat dans sa forme », avance-t-il. Derrière son pseudonyme, Jean Dorsans se dit « parfois un peu hipster, urbain et caricatural de l’électorat pro-Macron » et revendique de stéréotyper, derrière son pseudonyme, ses positions politiques pour mieux dénoncer « le simplisme » de ses opposants.

Samedi, il devrait passer la journée en « chemise bleue », comme Damien et Rachida, pour afficher leur différence avec les « gilets jaunes ». Gardien de nuit dans un hôtel de Bordeaux, Eric Bachou, 60 ans, espère, lui, pouvoir se rendre en voiture à son travail, situé à 30 kilomètres de chez lui. Excédé par les appels aux blocages, il partage pourtant l’opposition à l’augmentation des taxes, mais dénonce régulièrement sur Twitter « la contradiction entre la demande de baisser les impôts et celle d’augmenter les prestations » dans l’argumentaire des « gilets jaunes ». « Evidemment, je n’irais pas me battre sur un rond-point avec deux personnes qui veulent bloquer. Par contre, je leur lancerais peut-être deux ou trois insultes par la fenêtre, comme sur Twitter », admet-t-il.

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