LES CHOIX DE LA MATINALE

Ce week-end, venez taper la balle comme les jeunes sans papiers du club de foot « Melting Passes », réécoutez les quatre éditions des Chemins de la philosophie consacrées au « féminin, singulier universel » et (re)découvrez la vie et l’œuvre du sulfureux photographe américain Robert Mapplethorpe.

« Just Kids » : Bienvenue au « FC Melting Passes »

Léo, l’entraîneur du « FC Melting Passes ». / WILLIAM DUPUY

Cette équipe de foot parisienne n’est pas comme les autres. En effet, les joueurs du Melting Passes sont des mineurs étrangers qui n’ont pas de titre de séjour. Leur seul papier en règle ? Une licence de football prise auprès de la Fédération sportive et gymnique du travail (FSGT) qui a accepté cette formation dans son championnat sans hésiter.

La plupart de ces joueurs ont quitté l’Afrique à l’âge où d’autres adolescents comme eux connaissent leurs premiers flirts ou entrent au lycée. Une fois arrivés à Paris, ils ont vite déchanté. Seuls, sans le sou, ils se sont souvent retrouvés à dormir sous un pont du périphérique en attendant une prise en charge de l’aide sociale à l’enfance. Mais pour cela, ils doivent prouver leur jeune âge à l’administration, un autre parcours du combattant.

Loin de chez eux, ils ont trouvé du réconfort au sein d’une autre « famille » : Melting Passes. A l’origine, l’association souhaitait permettre à ces mineurs isolés de jouer au foot pour oublier leur galère. Très vite, elle s’est transformée en un véritable club avec entraînements réguliers et matches officiels. Au préalable, il a fallu fournir des tenues à ces gamins chaussés de tongs ou de sandales en plastique. Pendant un an, Just Kids a suivi au plus près le « FC Melting Passes », comme l’appellent ses jeunes joueurs. Mustapha Kessous

« Just kids », de Mathias Pardo (France, 2018, 95 min). Disponible sur Mycanal.fr.

« Les Chemins de la philosophie » : Place aux femmes

Philosophie et féminisme, invisibilisation des femmes, langue et sexe… Dans la semaine du 12 au 15 novembre, Adèle Van Reeth, productrice des Chemins de la philosophie, a proposé quatre émissions sur le thème du « féminin, singulier universel ».

Dans l’une d’entre elles, intitulée « Quelle place pour les femmes à l’université ? », la productrice recevait Nathalie Heinich, sociologue, directrice de recherches au CNRS. A la suite de l’appel d’historiennes publié dans Le Monde du 3 octobre « pour mettre fin à la domination masculine en histoire », Nathalie Heinich a fait paraître, avec d’autres chercheuses et intellectuelles, une tribune relatant l’invisibilisation des apports théoriques des femmes.

Elle est aussi à l’initiative d’une banque de données collective (à retrouver sur le site du Monde) rassemblant des témoignages qui permettent de prendre conscience du plafond de verre auquel se heurtent nombre de femmes dans le monde académique.

Ne manquez pas par ailleurs l’émission intitulée « La langue a-t-elle un sexe ? », avec le linguiste Bernard Cerquiglini, qui rappelle notamment que le terme « autrice a été utilisé régulièrement jusqu’au jour où l’Académie française et la grammaire officielle étant fondées, on a exclu les femmes ». Martine Delahaye

« Les Chemins de la philosophie : Tous féminins ? », d’Adèle Van Reeth sur France Culture (4 x 55 min).

« Mapplethorpe. Look at the Pictures » : Portrait en clair-obscur

Mapplethorpe : Look at the pictures / bande-annonce Officielle
Durée : 01:13

Robert Mapplethorpe. Look at the Pictures, de Fenton Bailey et Randy Barbato, est à notre connaissance le documentaire le plus complet sur la vie et l’œuvre du photographe américain Robert Mapplethorpe (1946-1989), dont les clichés homoérotiques et sadomasochistes continuent, près de trente ans après sa mort des suites du sida, de diffuser un entêtant parfum de scandale.

On saluera la manière très riche dont l’établissement du style de Mapplethorpe est documenté. Mais on s’étonnera que la relation professionnelle, essentielle, du photographe avec l’historien de l’art et conservateur de musée Sam Wagstaff (1921-1987), soit vite passée en revue et que le film ne rappelle pas davantage leur influence réciproque et décisive.

En commençant une collection de clichés, Mapplethorpe a transmis à Wagstaff, qui avait jusqu’alors fait sa carrière dans le domaine de la peinture puis de l’art minimal, le goût frénétique de la photographie (historique, documentaire et anonyme, en particulier), à une époque où elle était, au mieux, considérée comme un art mineur. En retour, Wagstaff fera découvrir à son amant des photos homoérotiques extraites de sa gigantesque collection. Celles-ci influenceront beaucoup le travail de Mapplethorpe dans le domaine du nu.

On est ému de voir certains modèles du photographe rappeler, quarante ans après, la relation sexuelle et/ou sentimentale qu’ils entretenaient avec lui, même si presque tous en ont gardé un souvenir amer. Les qualités nombreuses du film de Bailey et Barbato n’empêchent cependant pas de remarquer un manque de recul critique sur la portée et la valeur esthétique de la production de Mapplethorpe. Renaud Machart

« Robert Mapplethorpe. Look at the Pictures », documentaire de Fenton Bailey et Randy Barbato (Etats-Unis, 2016, 1 h 45). Disponible sur Arte.tv jusqu’au 13 février 2019.