Didier Deschamps, samedi 17 novembre, à Clairefontaine. / FRANCK FIFE / AFP

La tête enfouie dans sa parka, Didier Deschamps a fait grise mine, vendredi 16 novembre, en quittant la pelouse du Stade Feyenoord de Rotterdam. Manifestement irrité par la défaite (2-0) face aux Pays-Bas, la première concédée depuis mars, le sélectionneur des Bleus semblait encore plus abattu par la prestation livrée par ses joueurs que par l’éventuel préjudice subi dans la course à la qualification pour le « final four », les demi-finales de la Ligue des nations, programmées en juin 2019.

Car si le patron de l’équipe de France va prier pour que l’Allemagne batte, lundi, les Pays-Bas, et envoie de fait ses protégés dans le dernier carré du tournoi, il a conscience d’être à un tournant, quatre mois après le sacre mondial en Russie. En évoquant la « décompression » post-Coupe du monde pour expliquer ce faux pas, Deschamps a admis, sans le dire, que l’état de grâce était bel et bien terminé.

En septembre, le Bayonnais avait choisi de « célébrer » le groupe qui s’était hissé sur le toit du monde à Moscou. L’heure était alors aux hommages et à la communion. Sans les arrêts spectaculaires du gardien Alphonse Areola, les Bleus ne seraient toutefois pas rentrés de Munich avec un nul (0-0) arraché contre une Nationalmannschaft convalescente. Et la victoire acquise (2-1) sur le fil contre les Pays-Bas, au Stade de France, n’a pas masqué les fragilités du moment.

En octobre, si le sélectionneur a davantage ouvert son groupe, le nul (2-2) concédé en amical face à l’Islande et le succès (2-1) contre l’Allemagne ont également attesté des flottements assez coutumiers des Bleus, en cette période intermédiaire entre deux phases finales de grandes compétitions internationales. Difficile de se remettre en ordre de marche, avec des objectifs précis, dans le cadre de cette nouvelle Ligue des nations, avec en toile de fond la qualification pour l’Euro 2020.

Une stratégie ultradéfensive inopérante

Un mois plus tard, la débâcle de Rotterdam place Deschamps face à ses responsabilités : la stratégie ultradéfensive et la logique de bloc, qui ont tant réussi aux Bleus en Russie, se sont révélées inopérantes contre des « Oranje » bien organisés et inventifs sur le plan offensif. « Je pense que le match contre l’Allemagne sera plus difficile que celui contre la France pour nous, parce que la France est une équipe qui attend, alors que l’Allemagne est une équipe qui attaque, nous devons être prêts à cela », a d’ailleurs judicieusement déclaré dimanche Ronald Koeman, le sélectionneur néerlandais. Implacable constat.

Au Stade Feyenoord, les Tricolores n’ont par ailleurs su alimenter leurs attaquants (Kylian Mbappé, Antoine Griezmann et Olivier Giroud), passés maîtres dans l’art du contre fulgurant. L’absence d’éléments cadres (Paul Pogba, Samuel Umtiti, Lucas Hernandez notamment) et de doublures percutantes (Anthony Martial, Alexandre Lacazette, Corentin Tolisso, Benjamin Mendy) n’a, certes, pas arrangé les affaires du sélectionneur.

Mais, au-délà du casting, c’est bien l’identité de jeu, notion très abstraite pour un Deschamps enclin à s’adapter au profil de l’adversaire, et le nouvel horizon à tracer qui posent aujourd’hui question en cette saison post-Coupe du monde. Et ce même si les joueurs ont préféré évoquer une sortie de route « accidentelle » après la défaite aux Pays-Bas.

« On s’est complètement loupés, a reconnu le prodige Kylian Mbappé, dimanche, à Clairefontaine, au quartier général des Bleus. On n’a pas su répondre collectivement, ni individuellement aux Pays-Bas. À part Hugo (Lloris), aucun joueur n’est sorti du lot, et on peut dire que la prestation était inquiétante. Il n’y avait rien à tirer de ce match. »

Une concurrence à relancer

Désireux de s’appuyer sur son onze « russe », Deschamps va désormais devoir relancer la concurrence afin de faire bouger les lignes et créer de l’émulation. Aux Pays-Bas, ses choix n’ont pas été très heureux dans la mesure où les remplaçants Ousmane Dembélé, Tanguy Ndombélé et Moussa Sissoko, « héros » malheureux de l’Euro 2016 et revenant en sélection, n’ont pas brillé. Quant aux « doublures » Presnel Kimpembe et Steven Nzonzi, elles sont passées à côté de l’événement, dominées par les véloces attaquants bataves.

Dans ce contexte, le sélectionneur pourrait choisir de se priver de plusieurs titulaires en souffrance (Benjamin Pavard, Olivier Giroud pour ne citer qu’eux) et de rebattre les cartes contre l’Uruguay, en amical, mardi, au Stade de France. Pour cette dernière sortie de l’année, le technicien a l’occasion de relancer le défenseur Mamadou Sakho, qui n’a plus revêtu le maillot bleu depuis la saison 2015-2016, et de donner du temps de jeu à l’arrière gauche Lucas Digne, appliqué à Rotterdam, et aux attaquants Nabil Fekir et Florian Thauvin.

Lors de la venue de la Celeste à Saint-Denis, Deschamps pourrait aussi être tenté d’offrir une première sélection au défenseur lyonnais Ferland Mendy et au buteur Alassane Plea, auteur d’un bon début de saison avec le Borussia Mönchengladbach. A plus long terme, les arrières Clément Lenglet et Aymeric Laporte pourraient aussi aspirer à intégrer le wagon tricolore. Souvent taxé de conservateur, Deschamps va-t-il ouvrir la porte et reconfigurer son groupe ? La copie rendue par les Bleus, mardi contre l’Uruguay, apportera quelques éléments de réponse pour l’avenir.