Rassemblement de gilets jaunes à la porte Maillot, à Paris le 17 Novembre 2018. / BENJAMIN GIRETTE POUR LE MONDE

Au lendemain de la mobilisation des « gilets jaunes », qui a rassemblé près de 288 000 personnes dans toute la France et se poursuivait par endroits, dimanche 18 novembre, tous les regards sont tournés vers l’Elysée et Matignon, restés en retrait.

Ni Edouard Philippe, qui avait annoncé mercredi des mesures d’accompagnement aux ménages, ni Emmanuel Macron, en déplacement dimanche à Berlin et dont la cote est au plus bas, ne se sont exprimés, laissant Christophe Castaner monter au front.

« Chacun était à sa place hier, j’étais en lien permanent avec le président de la République et avec le premier ministre pour les informer des questions de sécurité », a justifié le ministre de l’intérieur, déplorant qu’en face, « personne n’a[it] voulu discuter, négocier ».

« Poursuivre leur action »

Les manifestants, qui protestent contre la hausse des taxes sur le carburant et la baisse du pouvoir d’achat, ont bloqué samedi autoroutes, ronds-points, hypermarchés ou organisé des opérations de péage gratuit. « Les gilets jaunes doivent poursuivre leur action tant que le gouvernement poursuit la sienne » a déclaré sur France Inter Geoffroy Didier, secrétaire général délégué des Républicains.

La mobilisation des « gilets jaunes » a été « un très grand succès », a estimé sur RTL la dirigeante du Rassemblement national (RN), Marine Le Pen, appelant à « des prises de décisions politiques rapides ». « J’encourage le gouvernement à dire qu’il a entendu le message et donner les décisions qui vont ramener la paix. Et pour l’instant je n’entends rien », a-t-elle affirmé après une question sur l’appel à la poursuite du mouvement, dénonçant « le mépris » de l’exécutif qui maintient son projet d’augmenter la taxe carbone au 1er janvier.

Plus tôt dans la journée, le porte-parole RN Sébastien Chenu avait prévenu : « Je crains que le gouvernement n’ait pas compris, les choses vont s’aggraver pour lui ».

Le président des Patriotes, Florian Philippot, a même appelé sur Cnews « à la dissolution de l’Assemblée nationale ».

A l’autre bout de l’échiquier politique, le Nouveau Parti anticapitaliste estime qu’il « va falloir mettre en mouvement le mouvement social, syndicats, associations et partis politiques, pour qu’ils donnent des prolongements à cette colère ». « C’est une politique de classe, une politique au service des riches, qui a été dénoncée aujourd’hui », a dénoncé le parti dans un communiqué.

« Moment d’auto-organisation populaire »

Pour Ian Brossat, « chef de file » du PCF aux élections européennes, le « rôle des forces politiques » est de « proposer des alternatives » : « on peut faire de l’écologie sociale et non pas de l’écologie punitive », a-t-il assuré à BFMTV.

Côté syndical, le patron de la CFDT, Laurent Berger, a appelé Emmanuel Macron à « réunir très rapidement » syndicats, patronat et associations « pour construire un pacte social de la conversion écologique ».

De l’extrême droite à l’extrême gauche, des élus, parfois vêtus de gilets jaunes, s’étaient rendus samedi auprès de manifestants. La plupart l’ont fait discrètement pour ne pas prêter le flanc aux accusations de récupération.

Laurent Wauquiez, patron de LR, était au Puy-en-Velay, d’où il a appelé le président à « corriger ses erreurs ».

Le leader de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, venu place de la Concorde, dans la capitale, s’est félicité d’« un immense moment d’auto-organisation populaire ». Le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, prévient lui que « sans dialogue, en jouant le pourrissement, le gouvernement prend le risque de dérapages ».

Maintenir « la trajectoire prévue »

Du côté du gouvernement, le ministre de la transition écologique, François de Rugy, a déclaré au Parisien que le gouvernement poursuivrait « la trajectoire prévue » en matière de fiscalité écologique. Il affirme avoir « vu avant tout l’expression de l’inquiétude profonde des habitants d’une France périurbaine prisonnière du tout-voiture. [...] Cette France-là a le sentiment d’appartenir aux invisibles dans le débat politique ».

Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales, a quant à lui mis en garde « ceux qui veulent récupérer politiquement le mouvement » des « gilets jaunes », dans un entretien au Journal du dimanche.

« Mais ceux qui veulent récupérer politiquement le mouvement en seront pour leurs frais. Ce sont les mêmes qui sont parfois les responsables des erreurs du passé ! Vouloir faire aujourd’hui du recel de la colère des Français, c’est assez abject. »

Dans des territoires ruraux, « il existe un sentiment d’abandon, c’est vrai, et nous allons y répondre », ajoute-t-il, vantant notamment « le plan très haut débit, ou encore le plan ma santé 2022 ».