Benyamin Nétanyahou lors de son discours dimanche 18 novembre à Tel Aviv. / Ariel Schalit / AP

Benyamin Nétanyahou est rompu à ces moments d’éruption médiatique, où le caractère des dirigeants est mis à l’épreuve. Le visage grave, le premier ministre israélien a pris la parole dimanche 18 novembre, à l’heure de la plus forte audience télévisée, pour expliquer à ses concitoyens qu’il comptait assumer la fonction de ministre de la défense. Depuis la démission spectaculaire à ce poste d’Avigdor Lieberman, le 14 novembre, le chef du gouvernement se trouve en position délicate. Sa majorité a été ramenée à la plus courte marge possible, 61 sièges sur 120 à la Knesset. Deux de ses partenaires de coalition, le ministre des finances, Moshe Kahlon, et le ministre de l’éducation, Naftali Bennett, ont appelé à des élections anticipées, considérées comme inévitables par les commentateurs.

Alors M. Nétanyahou s’est paré des oripeaux de l’homme d’Etat, uniquement focalisé sur l’intérêt général. Il a estimé que provoquer des élections anticipées serait « irresponsable » à cette heure « particulièrement complexe » pour le pays, sans que l’on sache précisément pourquoi. Dans son allocution, il a dramatisé les enjeux en employant le mot-totem qui écrase tous les autres : sécurité. Un retour aux sources de sa longévité. C’est le domaine où les sondages constatent une érosion importante de sa crédibilité, en raison des centaines de roquettes tirées sur le sud du pays en provenance de la bande de Gaza, il y a une semaine. Gaza, mot jamais prononcé dans son discours. « La sécurité nationale va au-delà de la politique ou des considérations personnelles », a déclaré le premier ministre.

Au cours d’un week-end de tractations, M. Nétanyahou a mis en scène ses efforts pour maintenir le gouvernement à flot. Le destin de celui-ci ne tient qu’à un fil. Naftali Bennett, chef de file du parti national religieux le Foyer juif, doit faire une déclaration lundi matin. Sauf coup de théâtre, il annoncera soit son départ et celui de ses proches du gouvernement, soit son intention de voter mercredi avec l’opposition, à la Knesset, en faveur d’élections anticipées.

Un éventuel danger pour la droite

Lors du conseil des ministres, M. Nétanyahou a renvoyé ses rivaux à leurs responsabilités. Il a fait référence à la fin précipitée des gouvernements de droite, en 1992 puis 1999. Dans le premier cas, elle conduisit au « désastre d’Oslo », dit-il, en référence aux accords de paix israélo-palestiniens de 1993. Dans le deuxième cas, à la seconde Intifada, qui débuta à l’automne 2000. Selon cette logique éculée, déroulée par le premier ministre, seul un gouvernement de droite – surtout s’il est conduit par « Bibi » – serait en mesure de répondre aux besoins sécuritaires d’Israël.

Après avoir atteint des sommets dans les sondages au cours de la mi-2017, le Likoud a connu une chute au cours des derniers mois, descendant aux environs de 28-30 %, encore largement devant le parti de centre-droit Yesh Atid. Cette tendance a éveillé l’appétit des autres formations de droite et explique leur fébrilité. Jusqu’à dimanche soir, M. Bennett réclamait le portefeuille de la défense, son ambition de longue date. Mais le premier ministre ne voulait pas offrir au leader de la droite nationale religieuse une telle tribune pour le harceler, semaine après semaine, dans un procès continu en faiblesse. En revanche, M. Nétanyahou envisagerait de nommer enfin un cadre du Likoud à la tête du ministère des affaires étrangères, poste qu’il occupe aussi à ce jour.

A l’exception du Likoud, les partis de droite appellent donc aux élections avant la date prévue, en novembre. Ils ont pourtant l’expérience de la campagne de 2015. Lors des derniers jours avant le scrutin, Benyamin Nétanyahou avait tant dramatisé les enjeux que le vote utile lui avait entièrement bénéficié, notamment parmi les colons. Le Foyer juif de Naftali Bennett avait perdu plusieurs sièges en raison de la menace agitée d’une victoire de la gauche.

Cette fois, le Foyer juif pense que le premier ministre est durablement affaibli. Il accuse le gouvernement de conduire des « politiques de gauche », en évoquant entre autres une « dissuasion effondrée face au Hamas ». De son côté, Moshe Kahlon a évoqué le risque d’une « anarchie fiscale », en l’absence d’élections rapides. Son entretien dimanche soir avec M. Nétanayhou n’a rien donné.

Nétanyahou toujours visé par des enquêtes judiciaires

Trois incertitudes majeures pèsent sur une éventuelle campagne électorale. La première est une irruption de violence autour de Gaza, conduisant à un conflit. Celui-ci compromettrait définitivement le fameux plan de paix américain, en gestation depuis deux ans. L’administration Trump comptait le présenter d’ici la fin 2018. Des élections anticipées imposeraient sans doute un nouveau report.

La seconde incertitude est une inculpation avant l’élection de Benyamin Nétanyahou, dans une ou plusieurs enquêtes qui le visent. La décision reviendra au procureur général, Avichaï Mandelblit. S’il franchissait ce pas, les rapports entre l’exécutif et le judiciaire deviendraient électriques et l’atmosphère de la campagne, irrespirable.

Enfin, la dernière incertitude concerne les partis sur la ligne de départ et la place d’un homme courtisé, l’ancien chef d’état-major Benny Gantz. Novice en politique, celui-ci pourrait soit lancer sa propre formation, soit rejoindre l’Union sioniste, dont la principale composante est le parti travailliste. Personne ne sait rien des positions politiques de Benny Ganz. Mais selon un sondage publié samedi, l’Union sioniste accomplirait avec lui un bon spectaculaire à 24 %, à peine deux points derrière le Likoud. Une estimation sans aucune valeur à ce stade, mais qui accentue un certain inconfort dans les rangs de la droite.