Le chanteur et musicien malien Salif Keïta en concert à Fana, le 17 novembre 2018. / MICHELE CATTANI / AFP

La légende de la musique africaine Salif Keïta a présenté samedi soir 17 novembre son nouvel album à Fana, petite ville du Mali où une fillette albinos de 5 ans a été assassinée en mai, lors d’un concert hommage destiné également à dénoncer les meurtres rituels d’albinos en Afrique.

Dans un stade de football archicomble, un événement jamais vu dans cette localité de quelque 20 000 habitants située à 120 km de Bamako, le musicien de 69 ans, atteint lui-même d’albinisme, s’était entouré du Sénégalais Ismaël Lô, de l’artiste géorgien albinos Bera, de l’humoriste malien Yaro ou encore des chanteuses malienne Safi Diabaté et sénégalaise Maah Koudia Keït, militante elle aussi de la cause des personnes albinos.

Le 13 mai, la petite Ramata Diarra, 5 ans, avait été enlevée en pleine nuit par des hommes armés alors qu’elle dormait dans la cour de la concession familiale. Son corps décapité avait été retrouvé quelques heures plus tard à côté d’une mosquée. Des associations avaient alors dénoncé un « crime rituel » à l’approche de l’élection présidentielle. « Pourquoi ôter la vie d’une innocente, d’une fillette de 5 ans ? Pourquoi s’attaquer aux albinos ? Nous sommes comme tous les autres humains. Nous ne voulons plus voir ça au Mali. Il faut que nos autorités prennent des dispositions, parce que désormais nous n’allons plus nous taire », a précisé sur scène Salif Keïta.

Dernier album

Chaque année, des dizaines d’albinos sont victimes en Afrique d’attaques, tués et amputés de leurs membres qui sont ensuite utilisés pour des rituels censés apporter richesse et chance. « Aujourd’hui, tout le monde sait qu’une fillette de 5 ans a été assassinée à Fana parce qu’elle était albinos. Le monde s’est mobilisé pour la cause de ma fille. Que ce monde ne baisse plus les bras afin que les albinos puissent vivre en paix partout dans le monde », a confié à l’AFP, en marge du concert, la mère de la fillette, Diarra Awa Touré.

Dans l’espace réservé aux invités, juste devant la scène, Ousmane Wélé Diallo, tout de blanc vêtu, explique être venu de Bamako avec sa femme et ses enfants pour « suivre le concert et soutenir notre cause en rendant hommage à Ramata Diarra ». « Je n’aime pas quand il y a trop de lumières, surtout les ampoules géantes de la scène, mais ce soir j’accepte pour notre cause », ajoute le père de famille, qui comme de nombreux albinos souffre de problèmes de vue.

« Nous sommes ici pour que ce qui est arrivé à Ramata ne se reproduise plus jamais, et cela doit être le combat de nous tous. Plus jamais ça à Fana, au Mali, en Afrique et dans le monde », a lancé depuis la scène Ismaël Lô. « Personne ne doit sacrifier un albinos pour son pouvoir, personne ne doit vendre les cheveux ou les organes d’un albinos », a exhorté Safi Diabaté. « Je suis Fana, je suis Ramata, je suis toutes les victimes des ignominies de certains assoiffés de pouvoir », a ajouté le slameur malien Karim Diallo.

Alors que la soirée est déjà bien avancée, Salif Keïta monte sur scène pour un show de 45 minutes au cours duquel il défend son album, Un autre blanc, son dernier selon lui, pour lequel il a fait appel à de vieux complices comme l’Ivoirien Alpha Blondy ou la Béninoise Angélique Kidjo, tout en multipliant les clins d’œil à la jeune génération. « Je voulais dire au revoir à tous mes fans, parce que si je vais peut-être encore faire de la musique par-ci par-là, je ne prendrai plus le temps de faire un album », a-t-il confié à l’AFP, estimant avoir « droit à un repos » après cinquante ans de carrière.