Régulièrement, la question d’un contrôle médical obligatoire pour les conducteurs seniors est posée. Leur aptitude à la conduite devrait être périodiquement vérifiée, compte tenu des risques qu’elles représenteraient en matière de sécurité routière.

Qu’en est-il des statistiques ? Entre 2007 et 2017, comme pour l’ensemble de la population, le nombre de personnes de plus de 65 ans tuées sur les routes a diminué : il est passé de 884 à 869 (en métropole), avec, notamment, deux creux en 2012 (745 tués) et 2013 (688 tués), indique l’Observatoire national interministériel de sécurité routière (ONISR).

En revanche, leur proportion au sein de la population des tués sur les routes a augmenté : de 19 % en 2007, elle a grimpé à 25 %, en 2017. Elle a progressé notamment en 2012 (20 %), 2013 (21 %), 2014 (22,7 %), 2015 (24 %) et 2016 (25 %). Cette proportion est supérieure à celle de leur tranche démographique : les plus de 65 ans, en 2007, représentaient ainsi 19 % des tués, pour seulement 16 % de la population ; en 2017, ils représentaient 25 % des tués, pour seulement 19 % de la population.

En fait, il faut distinguer, au sein de la population des seniors, les plus jeunes, de 65 ans à 74 ans, et les aînés, de plus de 75 ans. Les jeunes seniors ont une mortalité plus proche de leur représentation démographique, si l’on en croit les chiffres de l’Institut national d’études démographiques (INED) : 6,7 % de tués en 2009, (288), pour un groupe d’âge de 7,92 % dans la population (4,9 millions de personnes) ; 9,8 % en 2017 (342 tués), pour un groupe de 10 % (6,5 millions de personnes).

En 2017, les aînés représentaient 9,2 % de la population

Les aînés, en revanche, constituaient, en 2009, 8,7 % de la population, avec quelque 5,4 millions de personnes, mais ils représentaient 11,8 % des tués sur la route (508 morts). En 2017, ils représentaient 9,2 % de la population, avec quelque 5,9 millions de personnes, mais 15,2 % des tués sur les routes.

La mortalité des plus de 75 ans se produit principalement en semaine, et de jour, avec des pics de 10 heures à 12 heures, et de 15 heures à 19 heures. En effet, ces personnes, confrontées à des pertes d’aptitude, évitent de conduire dans des situations difficiles, comme la nuit et aux heures de pointe.

Une bonne part des décès de ces aînés se produit en fait lorsqu’ils sont à pied, et en ville : en 2013, 41 % ont ainsi été tués en tant que piétons, et la moitié étaient des femmes. On a relevé une hausse importante du nombre de piétons tués en 2016. En 2017, l’ONISR précisait que « parmi les 163 piétons tués âgés de 75 ans et plus pour lesquels l’information est connue, 44 % le sont sur un passage piéton, et 40 % à moins de cinquante mètres d’un passage piéton ». Cela s’explique par une certaine lenteur et une prise de risque mal évaluée, notamment lorsque la route à traverser comporte plusieurs files de véhicules. Les passages piétons surélevés pourraient réduire le nombre d’accidents, en évitant aux seniors d’avoir à gérer leur équilibre en remontant sur le trottoir.

Près de la moitié des représentants du quatrième âge sont tués au volant de leur voiture (44 % en 2013, 55 % en 2017). La cause principale de leurs accidents mortels est le refus de priorité aux intersections. Ils s’arrêtent aux stops, mais, comme ils ont du mal à estimer la vitesse des véhicules qui arrivent sur la gauche, ils peuvent être percutés latéralement. Ils sont alors souvent tués – alors que des plus jeunes, à choc égal, peuvent survivre.

Le risque d’isoler en empêchant la mobilité

En 2017, 70 % des conducteurs de plus de 75 ans étaient présumés responsables de leurs accidents. Ils arrivaient ainsi juste derrière les jeunes de 18-24 ans, présumés responsables à 73 %. En 2011, l’ONISR a constaté que la classe d’âges des 75 ans et plus « est une classe d’âge à risque élevé » (avec un risque de 1,3, au lieu de 1, en moyenne) ; il notait qu’« elle vient juste derrière la classe d’âge des 18-24 ans » (risque de 2,3). C’est la raison pour laquelle certains demandent que ces personnes soient écartées de la route.

« C’est une fausse bonne idée, estime Jean-Pascal Assailly, chercheur à l’Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux. Les pays scandinaves, qui l’ont tentée, l’ont abandonnée, pour des raisons éthiques et économiques. » D’une part, explique-t-il, « on ne dispose pas de critères permettant de prédire l’accident et d’éliminer certains conducteurs » ; d’autre part, « la diminution de la mobilité et l’isolement ainsi imposés aux seniors entraînent une augmentation des risques dépressifs et des pathologies qui les rendent dépendants, et qui coûtent plus cher à la société que quelques accidents ».

Le chercheur considère en outre que les accidents provoqués par des seniors, « qui évitent la vitesse, l’alcool et les stupéfiants », peuvent être considérés comme ayant des conséquences, pour autrui, moins graves que d’autres. Il explique que « la bonne alternative, selon le consensus, est un suivi plus précis par le médecin traitant qui, en collaboration avec la famille, peut décider un arrêt progressif, et non brutal, de la conduite ».