Des salariés de la SNCF, le 19 avril, à la gare de Lyon, à Paris. / CHRISTOPHE SIMON / AFP

Démarrées vendredi 16 novembre, les élections professionnelles à la SNCF s’achèveront jeudi 22 novembre. Six mois après la lutte farouche des syndicats contre la réforme ferroviaire, qui mettra fin, au début de 2020, au statut des cheminots, 150 000 salariés se rendent aux urnes. L’événement a une portée historique, à la fois pour chacun des syndicats représentatifs du groupe public ferroviaire et pour l’avenir des relations sociales dans la SNCF de demain.

Si le scrutin a démarré par un petit couac informatique, la première heure de la consultation, il se poursuit désormais normalement. La situation – vote en ligne mis en place cette année conjugué à un afflux de votants à l’ouverture, jeudi – a conduit à une impossibilité de connexion pour de nombreux électeurs. Les difficultés semblent désormais résolues. Dimanche 18 novembre, en fin d’après-midi, 23,9 % des cheminots avaient déjà voté, selon une source syndicale.

Pour le patron de la SNCF, Guillaume Pepy, le premier des objectifs de ces élections est précisément de parvenir à une hausse de la participation. « [Cette année], on n’est pas obligés de se rendre au bureau de vote (…). Donc, l’enjeu, c’est qu’il y ait plus de votants que les 68 % de la dernière fois [en 2015] », a-t-il déclaré, sur RTL, vendredi 16 novembre.

Le nombre d’heures de délégations syndicales réduit de moitié

Quoi qu’il en soit, le paysage syndical et social devrait se trouver bouleversé, après le résultat final, attendu le 22 novembre en début d’après-midi. En premier lieu, les cheminots élisent cette année, pour quatre ans maximum, 33 comités sociaux et économiques (CSE) du groupe public ferroviaire, en lieu et place de 31 comités d’entreprise, de plus de 600 comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et de 250 autres instances représentatives du personnel. Les moyens et la puissance des syndicats de cheminots vont, de ce fait, être diminuées drastiquement. Le nombre d’heures de délégations syndicales – elles représentent l’équivalent de 2 200 emplois à temps plein aujourd’hui – devrait, en particulier, être réduit environ de moitié.

Si le front des réformistes (UNSA et CFDT) était, jusqu’ici, suffisamment fort pour faire passer des accords, dans la nouvelle configuration, leur représentativité actuelle ne suffirait pas

Autre nouveauté d’importance : la majorité des représentants syndicaux, requise pour faire valider un accord signé avec la direction, est désormais de 50 %, contre 30 % actuellement. Alors que des négociations cruciales sont en cours pour adapter la SNCF à la réforme ferroviaire (en particulier sur l’organisation des métiers et la rémunération), le résultat de ces élections peut avoir des conséquences très différentes, selon que les syndicats dits « réformistes » ou ceux moins enclins à signer des accords auront obtenu une majorité absolue.

Aujourd’hui, les quatre syndicats représentatifs à la SNCF, issus du scrutin de 2015, sont la CGT-Cheminots (34,33 % des voix en 2015), l’UNSA-Ferroviaire (23,86 %), SUD-Rail (16,83 %) et la CFDT-Cheminots (15,15 %). Si le front des réformistes (UNSA et CFDT) était, jusqu’ici, suffisamment fort (39,01 %) pour faire passer des accords, dans la nouvelle configuration, leur représentativité actuelle ne suffirait pas.

Une campagne âpre et sans concessions

C’est là un premier défi pour l’UNSA et la CFDT. Ces deux derniers syndicats, surreprésentés chez les cadres, doivent aussi faire face, en 2018, à une liste CFE-CGC, qui n’existait pas en 2015 (elle était alliée à FO, à l’époque). Et puis, le groupe des réformistes – forcément conciliant, tout en étant resté dans le mouvement unitaire de printemps jusqu’au bout du calendrier de la grève – convaincra-t-il un peuple cheminot qui reste très hostile à la réforme ferroviaire ?

Du côté de la CGT, l’enjeu est de parvenir à contenir la lente érosion d’un syndicat encore dominant dans l’un de ses bastions, mais qui est passé de 41 %, en 2004, à 34 % en 2015. Les cheminots rendront-ils la CGT, et sa stratégie de la grève en pointillé, responsable de l’échec à faire reculer le gouvernement ? SUD-Rail prendra-t-il de nouveau des voix à la CGT, comme il l’a fait depuis 2009 ?

La campagne a été âpre et sans concessions entre les protagonistes. « Elle va laisser des traces dans les relations intersyndicales », déclare un représentant des cheminots. A coup sûr, jeudi 22 novembre au soir, pour l’histoire des relations sociales à la SNCF, plus rien ne sera comme avant.