FRANCK FIFE / AFP

Les hommes et les femmes politiques aiment les grandes écoles, et elles le leur rendent bien. En février, un « cours » peu orthodoxe, donné par Laurent Wauquiez, patron des Républicains et président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, à des étudiants de l’EMLyon Business School, avait provoqué un tollé. L’élu, le temps d’une leçon, avait abandonné la langue de bois et porté des accusations à l’encontre de plusieurs personnalités politiques, telles que Nicolas Sarkozy et Emmanuel Macron. Ses propos, qui ne devaient pas sortir de la salle de classe, avaient été diffusés dans l’émission Quotidien, sur TMC. Mais que diable Wauquiez allait-il faire dans cette galère ?

Un contenu de cette page n'est pas adapté au format mobile, vous pouvez le consulter sur le site web

Les raisons qui conduisent les personnalités politiques à retourner à l’école – mais cette fois du côté de l’estrade – sont multiples. Premièrement, ils sélectionnent soigneusement leurs établissements. Pas question de perdre son temps dans une obscure école de commerce. François Baroin, maire de Troyes et ancien ministre de l’intérieur, est professeur associé à HEC Paris. Dans la numéro 1 française des écoles de commerce enseigne également l’ancien président de région socialiste Jean-Paul Huchon, ainsi que l’ancien sénateur Jean-Pierre Raffarin, premier ministre de Jacques Chirac de 2002 à 2005.

Toucher la réalité

Ce dernier accorde également du temps à l’ESCP Europe. Une fidélité à son école de formation que partage Nathalie Kosciusko-Morizet. L’ancienne ministre sarkoziste, après son échec aux municipales parisiennes puis aux législatives de 2017, a retrouvé pour un semestre Polytechnique, dont elle est diplômée et où elle animait un séminaire d’« écologie politique ».

Quant à Sciences Po, elle accueille de nombreux « experts » comme Gaspard Gantzer, ex-conseiller en communication du président François Hollande, Bernard Cazeneuve, ancien premier ministre, Aurélie Filippetti, ex-ministre de la culture et de la communication. « Ils apportent, comme les milliers d’autres professionnels qui dispensent un cours ou quelques conférences, un regard enrichi par leur expérience singulière. Les taux de satisfaction de nos étudiants concernant leurs cours sont très élevés », affirme un porte-parole de l’Institut d’études politiques parisien.

Sortir les étudiants des cours magistraux, leur faire toucher la réalité vécue par les acteurs de la vie publique, un retour aux sources de la politique au sens d’Aristote ? « Je pense que j’apporte ma connaissance du terrain », avance Gaspard Gantzer, spécialiste de la gestion de crise après trois années à l’Elysée.

« Un esprit plus affûté »

Ces rencontres entre anciens et futurs décideurs auraient donc bien un caractère pédagogique. « Notre mission est de préparer les pilotes d’organisations de demain. Ils devront travailler dans un environnement politique, ils doivent donc comprendre leurs modes de fonctionnement, repérer les codes pour que le jour où ils passent à l’opérationnel, ils ne soient pas surpris », explique Bernard Belletante, directeur de l’EMLyon.

Ensuite, le fait d’avoir eu un parcours politique n’efface pas d’autres compétences acquises dans une première carrière. « Professeure est mon premier métier », rappelle Aurélie Filippetti. « Elle a rejoint Sciences Po en réintégrant son corps d’origine en qualité de professeure agrégée de lettres. Elle enseigne en utilisant ses deux compétences : littéraire et expérience de terrain », souligne-t-on rue Saint-Guillaume. Un détachement de la vie politique que l’ancienne ministre revendique : « Lorsque j’étudie Rousseau ou Tocqueville, je fais un cours de philosophie politique, en aucun cas mon parcours n’a une influence sur mon enseignement. »

Mais qu’en est-il de ses étudiants qui savent qu’ils ont affaire à une ancienne éminence socialiste ? « J’enseigne sur le campus de Nancy, la moitié de mes étudiants sont allemands, pour eux, que je sois une ancienne élue française importe peu », balaie-t-elle. Gaspard Gantzer avance les mêmes arguments : « Mon parcours ne fait ni chaud ni froid à mes étudiants. Quand ils s’installent dans la salle de classe, ce qui compte, c’est le contenu de mon cours. »

Cours optionnels

Toutefois, le débat d’idées n’est pas exclu des interventions assurées par des personnalités politiques. « Lorsqu’un enseignement est obligatoire, le cahier des charges des cours est indépendant de la personne qui enseigne. Il n’y a pas de valeur ajoutée du politique », expose Thomas Guénolé, politologue, coresponsable de l’école de formation de la France insoumise (eFI) et futur intervenant à l’EMLyon.

En revanche, analyse ce dernier, les cours optionnels, qui sont choisis par les étudiants et où le professeur affiche ouvertement sa couleur politique, attirent « trois types d’étudiants : les militants qui viennent nourrir et renforcer leurs convictions, les opposants qui apportent la contradiction et testent leurs propres contradictions, et enfin les curieux qui viennent réfléchir avec un enseignant avec lequel il est plus facile d’engager un débat d’idées. Dans les trois cas ils ressortent avec un esprit critique plus affûté ».