Depuis le 17 novembre, des dizaines de véhicules ont été incendiés dans plusieurs villes de La Réunion et une quinzaine de commerces ont été pillés. / RICHARD BOUHET / AFP

Paralysée depuis quatre jours par le mouvement des « gilets jaunes », l’île de la Réunion est confrontée à une flambée de violences comme elle n’en avait plus connue depuis près de trente ans et qui a largement débordé la question du pouvoir d’achat.

« L’évolution du mouvement est intolérable : les blocages routiers durant la journée se transforment en violences urbaines la nuit », a dénoncé mardi 20 novembre au soir la ministre de l’outre-mer, Annick Girardin, en évoquant des violences commises par « des jeunes gens qui n’ont rien à voir avec les “gilets jaunes” ».

En dépit d’un couvre-feu décrété par la préfecture, de nouveaux incidents ont éclaté dans la nuit de mardi à mercredi, notamment au Chaudron, un quartier populaire de Saint-Denis, le chef-lieu de La Réunion. Une grande surface a été pillée et des voitures incendiées. Dans la commune du Port, un « important incendie » a ravagé un entrepôt commercial et un journaliste de Réunion La Première a été agressé, selon la radio publique locale. Des véhicules ont aussi été incendiés dans plusieurs autres communes de l’île.

Les incidents de la nuit précédente avaient déjà conduit le préfet Amaury de Saint-Quentin à instaurer mardi un couvre-feu partiel dans la moitié des communes de l’île. Jusqu’à vendredi au moins, il sera interdit d’y circuler entre 21 heures et 6 heures, « une mesure forte, inédite » et « adaptée à cette menace », selon le préfet.

L’aéroport Roland-Garos fermé en fin de journée

En attendant, tous les établissements scolaires, des crèches à l’université, ainsi que les administrations étaient fermés mardi. La quasi-totalité des événements culturels et sportifs ont été annulés. L’aéroport international Roland-Garros a fermé mardi à 18 heures locales (15 heures à Paris) jusqu’à mercredi matin, obligeant les compagnies aériennes à revoir leurs horaires ou à annuler des vols. Il sera de nouveau fermé à 16 heures mercredi jusqu’à jeudi 6 heures.

Selon la préfecture, il y a eu une dizaine d’interpellations et au moins cinq policiers ont été blessés. Des renforts de gendarmes mobiles sont arrivés lundi de Mayotte. D’autres étaient attendus, sans que la préfecture en précise le nombre.

La crise actuelle est partie du mouvement des « gilets jaunes » qui, comme partout en France, ont protesté samedi contre la hausse des prix des carburants et la baisse du pouvoir d’achat. Mercredi matin, une vingtaine de barrages routiers étaient actifs sur les routes de l’île. Mais cette grogne, pacifique au départ, a rapidement dégénéré lorsque des bandes de jeunes ont organisé des blocages sur plusieurs grands axes et réclamé aux automobilistes un droit de passage allant de 5 à 20 euros. Pour avoir refusé de payer, plusieurs automobilistes ont été agressés et dépouillés, leurs voitures caillassées.

Depuis samedi, des dizaines de véhicules ont été incendiés dans plusieurs villes et une quinzaine de commerces ont été pillés. La Réunion n’avait plus connu une telle tension depuis 1991 et les émeutes provoquées par la saisie par l’Etat de l’émetteur pirate de Télé Free Dom. Huit personnes avaient à l’époque trouvé la mort dans l’incendie d’un magasin de meubles en cours de pillage et une jeune automobiliste s’était tuée après avoir perdu le contrôle de sa voiture à la suite d’un caillassage.