A Marseille, en novembre 2017. / BORIS HORVAT / AFP

Aussitôt adopté, aussitôt dévoyé. Au départ, le « Black Friday », vendredi 23 novembre, et le « Cyber Monday », lundi 26 novembre, deux opérations promotionnelles importées des Etats-Unis, se tenaient sur une très courte période, uniquement sur Internet et concernaient quasi exclusivement des produits high-tech. Mais, au fil du temps, ce qui devait durer un week-end, s’étend sur une… semaine.

Tous les distributeurs et commerçants, qu’ils soient en ligne ou non, ont, depuis le début de la semaine, lundi 19 novembre, lancé de vastes campagnes à « prix cassés » et autres « ventes flash ». Même certains cinémas ou banques affichent des tarifs spécifiques. Pratiqué par 3 % des commerçants parisiens en 2015, le « Black Friday » était mis en avant par 44 % des enseignes en 2017, selon le Centre régional d’observation du commerce, de l’industrie et des services (Crocis).

Les Français dépenseront 5,7 milliards d’euros pendant le week-end du « Black Friday », dont 4,8 milliards d’euros en magasins, et 68 % anticipent leurs achats de Noël sur cette période, apprend-on du Center for Retail Research (CRC). De son côté, la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (Fevad) estime que 1,3 milliard d’euros seront dépensés sur Internet en quatre jours. Au total, les consommateurs devraient passer 14 millions d’heures sur les applications de shopping de leurs smartphones pendant le « Black Friday », d’après la plate-forme d’études de marché App Annie.

Le règne de l’hyperconsommation

A force de se développer, le concept ne risque-t-il pas d’écœurer le consommateur, pris, tout au long de l’année, dans un tourbillon constant de promotions ? Le « Black Friday » intervient quelques semaines seulement après les « Frenchs Days », une nouvelle opération commerciale montée par six grands e-marchands français (Boulanger, Cdiscount, Fnac Darty, La Redoute, Rue du Commerce et Showroomprive), rejoints par 80 enseignes sur Internet.

Le règne de l’hyperconsommation bat son plein dans la distribution, au moment même où le grand public s’interroge sur l’achat raisonné, les origines des produits et le gaspillage, et où les pouvoirs publics tentent d’enrayer une guerre des prix dans l’alimentation. Un Français sur deux interrogé par OpinionWay pour iloveretail.fr, considère le « Black Friday«  avant tout comme une trouvaille marketing destinée à leur faire dépenser davantage. La Camif a, depuis deux ans, décidé de fermer son site Internet le jour du « Black Friday » pour sensibiliser les Français à la consommation responsable. Quant à l’association de défense de l’environnement Greenpeace, elle a appelé les consommateurs à « ne rien acheter » pour ne pas gaspiller.

Dans ce contexte de promotions perpétuelles, le gouvernement a essayé de réorganiser le dispositif des soldes, pour redonner de l’attrait à ces seules périodes où les commerces sont autorisés à vendre la marchandise à perte. De six semaines, elles doivent passer à quatre, deux fois par an. Une nouvelle disposition inscrite dans la loi Pacte (plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises). Or, si ce texte a été voté en première lecture, à l’Assemblée nationale, le 9 octobre, il doit encore passer devant le Sénat, en janvier 2019, avant, peut-être, d’effectuer une navette parlementaire. A cela, s’ajoute « le délai de six mois après la promulgation de la loi. La petite reforme des soldes ne devrait pas s’appliquer avant janvier 2020 », précise Bernard Morvan, président de la Fédération nationale de l’habillement.