Alexis John Ahyee est le directeur général de HEC Paris pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale. / HEC

Alexis John Ahyee, 45 ans, aime aller à l’essentiel : débit rapide, phrases rythmées de mots clés. Il a, il est vrai, un emploi du temps des plus chargés. Son job ? Directeur général de l’Ecole des hautes études commerciales (HEC) de Paris pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale. Nommé en juillet, il a pour mission d’ouvrir le premier bureau permanent de l’école de commerce française en Afrique de l’Ouest, à Abidjan. Un bureau niché dans les locaux du patronat ivoirien, en plein cœur du centre d’affaires du Plateau : décor épuré, grandes salles à baies vitrées, bleu marine de la maison-mère omniprésent, jusqu’au costume du chef des lieux.

« HEC Paris est présent en Afrique depuis bien longtemps, explique-t-il. Ces vingt dernières années, rien qu’en formation continue, l’école a formé près de 20 000 cadres africains, public et privé confondus. Mais aujourd’hui, nous voulons être plus proches de nos étudiants, partenaires et clients. Il ne suffit plus d’envoyer des solutions toutes faites de Paris et de venir par intermittence, il faut être au plus près des problématiques africaines et des Africains. »

Développer la formation continue

Et en effet, si le bureau d’Abidjan a notamment pour ambition de mieux préparer les étudiants africains au concours d’admission de la formation initiale « Grande Ecole » et du master of business administration (MBA) en France, au sein desquels ils ne représentent aujourd’hui respectivement que 6 % et 2 % des effectifs, il aura surtout pour objectif de développer l’offre de formation continue. Dès janvier 2019, les dirigeants, entrepreneurs, manageurs et cadres auront ainsi le choix entre deux modules certifiants dispensés à Abidjan, en « management des unités stratégiques » pour 10,5 millions de francs CFA (16 000 euros) et en « finance d’entreprise » pour 6,5 millions de francs CFA.

Ces prix font lever bien des sourcils dans la capitale économique ivoirienne et nourrissent aussi la critique chez ceux qui voient d’un mauvais œil l’arrivée de plus en plus marquée des représentants de grandes écoles françaises telles que HEC, Sciences Po ou l’Essec, mais aussi d’universités américaines ou chinoises. D’aucuns craignent que le continent devienne un vaste marché, peu contrôlé, où lesdits établissements pourraient vendre, à prix fort, des formations au rabais. Un énième rôle de vache à lait, en somme.

« Ces critiques témoignent d’un manque de connaissance du sujet et du terrain, avance Alexis John Ahyee. Tout d’abord parce que la plupart des grandes écoles françaises et des grandes universités occidentales font aujourd’hui beaucoup plus de chiffre d’affaires en Asie, à Singapour ou en Chine, où la demande ne tarit pas. Ensuite parce qu’il suffit de se rendre partout sur le continent pour comprendre que le besoin et l’envie d’atteindre des niveaux d’excellence internationaux chez les cadres dirigeants et les entrepreneurs sont réels. Ces derniers recherchent avant tout des formations de qualité et pas une ligne en plus sur leur CV. »

Il ajoute : « Et puis c’est oublier que ces formations sont de purs produits de HEC. La direction académique des deux modules certifiants sera assurée par des professeurs affiliés à HEC et il sera possible ensuite d’accéder à l’un des masters spécialisés du groupe. »

Dynamisme économique

Déjà présente à travers de nombreux partenariats académiques au Maroc, en Afrique du Sud, au Kenya, à Madagascar mais aussi au Sénégal, où elle avait envoyé dès 2013 une représentante permanente pour développer la formation continue en Afrique, la business school de Jouy-en-Josas (Yvelines) a finalement choisi de s’établir en Côte d’Ivoire, séduite avant tout par le dynamisme économique de celle-ci.

Avec un taux de croissance qui oscille autour de 8 % depuis 2012 (7,8 % en 2017), le pays est devenu l’une des locomotives économiques du continent, aux côtés de l’Ethiopie (10,9 % de croissance en 2017) et du Ghana (8,4 %), attirant ainsi de nombreuses entreprises et cadres de la sous-région ouest-africaine. Un potentiel décuplé par l’accroissement du trafic aérien dans la zone ces dernières années. « Pour un Bamakois, un Dakarois ou un Ouagalais, il est plus simple de prévoir un voyage à Abidjan, qui ne prendra qu’une ou deux heures, qu’à Paris. Le but est de s’approcher des dirigeants et cadres de ces pays pour leur offrir plus de flexibilité », précise Alexis John Ahyee, qui, depuis plusieurs mois, parcourt les capitales ouest-africaines afin d’y présenter l’école et d’y rencontrer des candidats.

Pour s’adapter davantage encore aux réalités de ces pays en développement, l’école a également introduit la possibilité d’étaler ces formations sur plusieurs mois, voire plusieurs années, et de payer chaque module au fur et à mesure. Avant l’examen final, ceux qui auront opté pour cette formule se verront délivrer des attestations de présence.

Une véritable opération séduction pour laquelle l’école sera aidée par son influent réseau d’alumni ivoiriens, le troisième en Afrique, avec 182 membres inscrits, après le Maroc (497) et l’Afrique du Sud (184). Parmi ceux-ci : Daouda Coulibaly, le directeur général de la Société ivoirienne de banque, filiale du premier groupe bancaire marocain, Attijariwafa Bank ; Aziz Diallo, directeur général de Canal+ Côte d’Ivoire ; ou encore Abou Kassam, cofondateur de Prosuma, le géant ivoirien de la distribution.

Les Débats du « Monde Afrique » : à Dakar, deux jours consacrés à la jeunesse ouest-africaine

A Dakar, les 22 et 23 novembre, la quatrième édition des Débats du Monde Afrique sera placée sous le signe de « l’éducation et la formation des jeunes en Afrique de l’Ouest ». Consultez le programme et inscrivez-vous en cliquant ici.

Les débats et tables rondes qui ponctueront la première journée, au Grand Théâtre national de Dakar, porteront sur les apprentissages nécessaires au citoyen du XXIe siècle et sur les compétences qu’il doit développer pour traverser le siècle. Difficile aussi d’éluder les formations scientifiques, sans lesquelles les entreprises ne trouveront pas la main-d’œuvre nécessaire au développement des pays et qui se doivent d’être suffisamment attractives et ouvertes sur l’innovation pour séduire les générations nouvelles.

Au deuxième jour de l’événement, un focus particulier sera porté aux métiers du secteur de l’énergie, afin de comprendre quelles sont les formations d’avenir et les débouchés possibles. Les étudiants des universités sénégalaises seront les bienvenus au sein d’ateliers leur permettant de comprendre comment créer son propre emploi sur un continent où le salariat reste le maillon faible. Ce sujet sera discuté au sein de master class spécialement organisées à leur intention au sein des universités.