Les fans des Bleus lors de la finale face à la Belgique, en 2017. / PHILIPPE HUGUEN / AFP

Le plan d’action a été gardé secret jusqu’au dernier moment. Mais, vendredi, samedi et dimanche, pour la finale de la Coupe Davis, qui opposera la France à la Croatie à Villeneuve-d’Ascq (Nord), il faudra compter avec les supporteurs des Bleus. Pas seulement parce qu’ils seront là pour soutenir les Tsonga, Chardy, Mahut et Herbert, mais aussi parce que nombre d’entre eux n’entendent pas laisser passer, comme si de rien n’était, cette finale qui marquera la fin dans son format actuel d’une compétition plus que centenaire. Et qu’ils veulent manifester, haut et fort, leur déception, voire leur opposition à la réforme radicale adoptée en août par la Fédération internationale de tennis (ITF).

« Ça me donne des frissons de me dire que c’est la dernière, ça nous fait un vrai coup », témoigne David Fischer, membre de l’Association des supporters des équipes de France de tennis (Aseft), qui, entraînée par 400 membres actifs, est à la pointe de ce « combat » pour dénoncer l’évolution, à partir de 2019, de la Coupe Davis en une épreuve d’une semaine sur terrain neutre, réunissant dix-huit équipes en clôture de la saison.

Si l’Aseft a tenu à rester discrète jusqu’au bout sur la façon dont elle entendait manifester sa « mauvaise humeur », David Fischer, à titre personnel, a choisi de floquer son t-shirt bleu d’un « Dwight Davis, 118 ». Soit le nom du fondateur de la compétition, et son nombre de bougies. « Mon petit hommage à une grande dame du sport », explique-t-il en évoquant l’épreuve.

Lors de la demi-finale disputée contre la Belgique, à la mi-octobre, certains supporteurs des Bleus, à l’initiative de l’Aseft, avaient brandi des affiches dans les gradins du stade Pierre-Mauroy de Villeneuve-d’Ascq pour déplorer ce qui, à leurs yeux, constitue un enterrement de la Coupe Davis – la réforme votée par le président de la fédération française (FFT), Bernard Giudicelli. L’une d’elles affichait notamment une pierre tombale dressée sur la terre battue.

« Une sorte de fête nationale du tennis »

« C’est une aventure qui se termine. Quoi qu’il arrive, on ne retrouvera plus jamais la même ambiance à partir de l’année prochaine », déplore Kevin Martigny, membre de l’association, qui, comme ses camarades, porte un t-shirt noir frappé du hashtag #ChangeItBack. Finies les batailles homériques en cinq sets, terminées les ambiances bouillantes et inamicales rappelant celles du football.

« A chaque finale, on partait pour une sorte de fête nationale du tennis », rappelle David Fischer. Ce Lorrain, qui a rejoint le groupe en 2004, après un France-Croatie disputé à Metz, n’a « quasiment » pas raté de rendez-vous depuis lors (hommes et femmes confondus).

Il se remémore notamment la finale 2010, disputée à Belgrade. « C’était le week-end où se déroulait le procès des meurtriers de Brice Taton [supporteur du Toulouse FC, tué par des hooligans serbes], c’était un mélange un peu surréaliste de tension et de fête. Il y avait des policiers au bas de chaque hôtel qu’on occupait. »

La flamme bleue de l’Aseft s’est allumée en 2000. Lors d’une rencontre de barrage (permettant de déterminer les participants au tournoi principal) contre l’Autriche à Rennes, Guillaume Raoux, qui disputait le double, est allé trouver la dizaine de fans qui encourageaient l’équipe. « Il nous a dit que ça serait bien de monter un groupe de supporteurs, qu’il pouvait demander à la Fédération [française de tennis] pour nous aider, relate Kevin Martigny. Et l’association s’est lancée en 2001. »

Cette année-là, les joueurs et la fédération ont mis la main à la poche pour permettre aux supporteurs de venir les encourager lors de la finale en Australie. Une trentaine d’irréductibles Français débarquent quinze jours aux antipodes, et font entendre leur voix lors de l’exploit de la bande à Forget, qui soulève le saladier d’argent sur le gazon de Lleyton Hewitt, alors numéro 1 mondial.

« La coupe des vices ou des frics »

Depuis, de la chaleur enfumée d’une enceinte portègne (lors d’un Argentine-France) au lointain Japon, en passant par le cocon lillois – la finale 2018 est le quatrième rendez-vous organisé au stade Pierre-Mauroy en deux ans –, les supporteurs français ont toujours répondu présents. Parfois noyés dans la masse de fans adverses – ce qui leur avait valu les réprimandes de Noah à l’entame de la finale 2017 –, d’autres fois entraînant tout le stade derrière eux.

« Ces rencontres de Coupe Davis, c’est le summum en termes de pression, souligne Patrice Hagelauer, ancien entraîneur de Noah et des Bleus. Et le public joue son rôle, avec un club France qu’on voit partout. »

Si l’Aseft a commencé à évoquer son avenir, changement de format oblige, pour certains fans la nouvelle compétition risque de couper court à leur passion. « Ce sera une exhibition d’une semaine », assène David Fischer. « Vous allez venir pour une semaine et votre équipe peut se faire éliminer dès le premier jour. On n’a surtout pas envie de vivre la Coupe Davis comme ça, sur terrain neutre. Ce format ne plaît à personne », prolonge Kevin Martigny, qui se refuse à employer le même nom pour la nouvelle mouture. « Ce sera la coupe des vices ou des frics plutôt, constate-t-il, amer. On verra bien, mais je crois que ça va s’éteindre pour les supporteurs. »

Le programme de la finale

Vendredi à partir de 14 heures :

Jérémy Chardy - Borna Coric

Jo-Wilfried Tsonga - Marin Cilic

Samedi à partir de 14 heures :

Pierre-Hugues Herbert/Nicolas Mahut - Mate Pavic/Ivan Dodig

Dimanche à partir de 13 heures

Jérémy Chardy - Marin Cilic

Jo-Wilfried Tsonga - Borna Coric

Les capitaines des deux équipes ont la possiblité de modifier la composition du double, samedi, et des deux simples de dimanche jusqu’à une heure avant le début du programme de la journée (et dix minutes après la fin du quatrième simple pour le cinquième match).