Deux semaines après l’accord de sortie trouvé par les négociateurs britanniques et européens, un sommet européen extraordinaire se tient à Bruxelles, dimanche 25 novembre, afin d’entériner le traité de divorce, ainsi qu’une déclaration politique sur la « relation future ». Si l’accord est ratifié, cette relation sera négociée à partir du 29 mars 2019, date de la sortie effective de l’UE pour le Royaume-Uni. Retour sur la chronologie, passée et à venir, de cet interminable feuilleton lancé par le référendum de juin 2016.

23 juin 2016 : la victoire du « Leave »

Les Britanniques se prononcent à 51,9 % dans un référendum pour une sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Houleuse et incertaine, la campagne a tourné autour de trois grands sujets : le contrôle de l’immigration, après l’arrivée massive les années précédentes de travailleurs européens, notamment polonais ; la souveraineté du pays et le souci « de reprendre le contrôle » face aux décisions de l’UE ; et la fin de la contribution financière, afin de récupérer ses moyens budgétaires, suite à une vaste cure d’austérité.

2 octobre 2016 : Theresa May, championne du « hard Brexit »

Au congrès du Parti conservateur, à Birmingham, Theresa May se pose en championne d’un « Brexit dur » et fixe des lignes rouges : sortie du marché unique, fin de la libre entrée des Européens au Royaume-Uni et de la compétence de la Cour de justice de l’UE – position qu’elle radicalisera lors de son discours de Lancaster House, à Londres, le 17 janvier 2017 –, sortie de l’union douanière (« Pas d’accord vaut mieux qu’un mauvais accord »). Une position qu’elle devra ensuite partiellement abandonner.

29 mars 2017 : activation de l’article 50

Après neuf mois de tergiversations, le gouvernement de Theresa May active l’article 50 du traité européen, qui permet de lancer les négociations de sortie de l’Union européenne. Leur durée est prévue sur deux ans. Les tractations seront ensuite des plus laborieuses, la partie britannique ayant opté dans un premier temps pour un « Brexit dur », afin de contenter les partisans les plus radicaux du projet de divorce. Leurs exigences ne sont pas compatibles avec le souci exprimé à Bruxelles et Dublin d’éviter le retour d’une frontière dure entre l’Irlande du Nord, britannique, et la République d’Irlande, membre de l’UE.

8 juin 2017 : Theresa May affaiblie

Des législatives anticipées au Royaume-Uni affaiblissent Theresa May, alors qu’elle avait convoqué le vote pour asseoir sa majorité et moins dépendre des brexiters. Les conservateurs perdent leur majorité absolue et doivent faire alliance avec des unionistes nord-irlandais au Parlement, tandis que le Parti travailliste, lui-même très divisé sur le Brexit, gagne une trentaine de sièges.

Juillet 2018 : le virage du Brexit « doux »

Sous pression des Européens, Theresa May effectue dans la plus grande confusion un virage en vue d’opérer un Brexit en douceur et de débloquer les négociations. Ce recentrage autour du plan dit « de Chequers » – du nom de la résidence de villégiature des premiers ministres britanniques – entraîne la démission du gouvernement de deux poids lourds parmi les brexiters : le secrétaire d’Etat aux affaires étrangères, Boris Johnson, et le secrétaire d’Etat en charge du Brexit, David Davis. Ces derniers dénoncent la « trahison » du vote des Britanniques, alors que le pays reste profondément divisé sur la question, et que certains sondages indiquent même une légère inflexion des électeurs en faveur d’un second vote, voire d’un maintien dans l’UE.

20 septembre 2018 : Theresa May humiliée à Salzbourg

Au sommet de Salzbourg, les Vingt-Sept signifient à Theresa May que son « plan de Chequers »  n’est pas acceptable. Humiliée, la première ministre retourne à Londres tandis que les craintes d’un « no deal » montent d’un cran à Bruxelles comme au Royaume-Uni. Michel Barnier, le négociateur en chef du Brexit, continue à travailler à un accord, en cherchant notamment à résoudre l’épineuse question irlandaise, tandis que la Commission commence à préparer des « plans d’urgence » en cas d’absence d’accord.

13 novembre 2018 : Bruxelles et Londres trouvent un accord

Après dix-sept mois de discussions, les négociateurs britanniques et européens se mettent d’accord. Ils confirment la période de transition jusqu’au 31 décembre 2020, voire davantage ; elle avait été réclamée par les Britanniques afin d’éviter une rupture trop brutale. Ils actent surtout un « filet de sécurité » sur la question nord-irlandaise : ce dispositif doit permettre, à moins d’une meilleure solution négociée d’ici à la fin de la phase de transition, de maintenir l’ensemble du Royaume-Uni dans l’union douanière européenne, et l’Irlande du Nord dans le marché intérieur de l’UE. Cet arrangement permettra de limiter les contrôles à la frontière entre les deux Irlandes, dans le respect des accords de paix ayant mis fin à la guerre civile. Mais elle est dénoncée par les brexiters plus radicaux, qui redoutent une atteinte à l’intégrité du Royaume.

14 novembre 2018 : le gouvernement britannique valide l’accord

Au terme d’une interminable réunion, le gouvernement britannique donne son aval au texte. Mais plusieurs ministres, dont Dominic Raab, en charge du Brexit, démissionnent.

25 novembre 2018 : un sommet sur la « relation future »

Un sommet européen extraordinaire, avec Theresa May, est censé entériner le traité de divorce, ainsi qu’une déclaration politique sur la « relation future ». Celle-ci sera négociée à partir du 29 mars 2019, date officielle de la sortie, tout au long de la phase de transition, si l’accord de divorce est ratifié.

Décembre 2018 : le Parlement britannique doit ratifier l’accord

L’accord de sortie doit être ratifié par le Parlement britannique, à une date encore inconnue, même si les journaux britanniques évoquent le 11 décembre. Theresa May va devoir déployer des trésors de persuasion pour convaincre les députés, notamment conservateurs, d’approuver le texte. Le petit Parti unioniste nord-irlandais, qui la soutient au Parlement, menace de ne pas le voter, tout comme les partisans les plus enflammés du Brexit. Mme May va sans doute devoir compter sur le vote de certains élus travaillistes soucieux d’éviter l’impact d’une sortie sans accord à l’amiable.

Janvier 2019 : le Parlement européen doit ratifier l’accord

L’accord passe devant le Parlement européen. Si la date du scrutin est encore incertaine, le résultat du vote des eurodéputés ne fait guère de doute, à la différence de celui des élus britanniques.

29 mars 2019 : sortie effective de l’UE pour le Royaume-Uni

A 23 heures, heure de Londres, minuit heure de Bruxelles, le Royaume-Uni sort effectivement de l’UE. Il perd ses droits de vote, son commissaire et ses eurodéputés. Mais il reste, pendant la période de transition, membre de l’Union douanière et du marché intérieur. Pendant cette période, si l’accord à l’amiable est bien respecté, rien ne va vraiment changer, sauf l’essentiel : le Royaume-Uni sera devenu un pays tiers.

30 mars 2019 : début de la période de transition

La période de transition doit durer au moins jusqu’au 31 décembre 2020, période pendant laquelle l’UE et le Royaume-Uni vont devoir négocier leur « relation future ». Celle-ci comportera plusieurs volets : commerce, coopération sécuritaire, défense, recherche… Il s’agit aussi, entre autres, de négocier la coopération dans le nucléaire civil, de nouveaux accords de pêche, ou les modalités d’accès des banques britanniques au marché européen.

Juillet 2020 : état des lieux de la « relation future »

Les Vingt-Sept et le gouvernement britannique ont convenu d’effectuer un état des lieux de la « relation future ». Londres peut alors demander, avant le 1er juillet 2020, une prolongation de la transition, à partir du 1er janvier 2021 pour une durée d’une ou deux années, soit jusqu’au 31 décembre 2022.

1er janvier 2021 : mise en place du « filet de sécurité »

Si aucune autre solution n’est négociée d’ici là, c’est à cette date que doit être mis en place le « filet de sécurité » afin d’éviter la mise en place d’une frontière physique entre les deux Irlandes. Dans ce cas, le Royaume-Uni reste dans l’union douanière européenne, comme pays tiers – ce qui est déjà le cas, par exemple, de la Turquie. Il sortira de fait du marché intérieur, ce qui lui permettra de restreindre les arrivées de migrants européens à ses frontières, selon le vœu des brexiters. L’Irlande du Nord, elle, reste dans les deux dispositifs.

Quelles suites pour le Brexit ?
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