C’est la « surprise du chef », a lancé la députée Les Républicains (LR) Brigitte Kuster. Les députés ont autorisé le gouvernement, vendredi 23 novembre, à procéder par ordonnance pour réformer la justice des mineurs. L’amendement a été adopté par 33 voix contre 18 et 1 abstention, malgré les protestations des oppositions qui dénoncent un dessaisissement du Parlement.

Le sujet s’est invité à la dernière minute dans le cadre de la discussion du projet de loi justice à l’Assemblée nationale : la ministre de la justice, Nicole Belloubet, a annoncé mercredi sa volonté de modifier l’ordonnance de 1945 sur l’enfance délinquante, en créant un véritable « code de la justice pénale des mineurs ».

Pour les députés, le problème n’est pas tant sur le fond du projet du gouvernement que sur la méthode. La garde des sceaux a choisi de réformer par ordonnance, une procédure dans laquelle les parlementaires n’ont traditionnellement que très peu leur mot à dire. Quand ce type de procédure est utilisé, députés et sénateurs n’interviennent qu’en amont, habilitant le gouvernement à conduire cette réforme. Ils interviennent également en aval, en ratifiant les ordonnances, mais pas dans la rédaction du texte.

« Nous voulons avoir ce débat non pas par une ordonnance quelque part dans un bureau, mais sous le regard des Françaises et des Français, en public », a contesté le député La France insoumise (LFI) Ugo Bernalicis. « On a l’impression que vous craignez le recours à un projet de loi classique », s’est aussi indigné le député du Rassemblement national (RN), Gilbert Collard.

L’agenda du gouvernement contesté

La ministre de la justice, Nicole Belloubet, a annoncé mercredi sa volonté de modifier l’ordonnance de 1945 sur l’enfance délinquante. / ALAIN JOCARD / AFP

Le recours aux ordonnances est fréquent, ce qui suscite toujours l’agacement de l’opposition, mais elle conteste aussi, cette fois-ci, l’agenda du gouvernement. L’annonce de Mme Belloubet est intervenue mercredi après-midi, alors que le projet de loi en était à sa quatrième étape de discussion. Il a en effet déjà été voté au Sénat, en commission et en séance, et à l’Assemblée, en commission.

Les discussions en séances publiques ont commencé lundi après-midi. Le gouvernement a utilisé, pour lancer cette réforme majeure, l’une de ses prérogatives : déposer un amendement au cours des discussions à l’Assemblée, ce qui n’est pas autorisé aux parlementaires. Les députés se sont donc estimés lésés, privés d’une partie de la discussion.

« Le sujet mérite un vrai débat et non un passage en force », s’est indignée Brigitte Kuster (LR). « Je ne sais pas quelle mouche a piqué la majorité ou le ministère pour qu’à ce point vous soyez dans l’urgence ? Nul ne conteste le besoin de le faire, mais pourquoi maintenant et pourquoi sous cette forme ?, s’est interrogé le député LR Philippe Gosselin. Ça montre bien qu’il y a un piétinement des droits du Parlement sur un sujet qui est essentiel. »

« Les uns et les autres, vous m’avez dit l’urgence à agir », a insisté Nicole Belloubet pour justifier son empressement. Désamorçant les critiques, elle a toutefois proposé vendredi que les parlementaires participent à l’élaboration des ordonnances. « Je propose une méthode originale qui nous permettra d’avancer en travaillant avec les élus de la représentation nationale », a expliqué la garde des sceaux, en proposant « la création d’un groupe de contact ou d’une délégation », composée de députés et de sénateurs, « pendant la phase d’élaboration de l’ordonnance ».