Sergio Ramos, le 3 novembre, lors d’un match contre Valladolid. / Paul White / AP

En matière de lutte antidopage, mieux vaut s’appeler Sergio Ramos et jouer au Real Madrid qu’être un sportif anonyme. C’est en tout cas ce que suggèrent les dernières révélations des « Football Leaks », faites vendredi 23 novembre par les médias membres de l’European Investigative Collaborations (EIC), dont Mediapart. Les échanges de courriers entre le club madrilène, d’une part, et l’UEFA et l’agence espagnole antidopage, d’autre part, attestent qu’à trois reprises le Real s’est sorti d’un imbroglio autour de contrôles antidopage.

Le premier cas concerne un contrôle anormal subi par Sergio Ramos, à Cardiff, après la finale, remportée face à la Juventus Turin, de la Ligue des champions 2017. Ce soir-là, des traces de dexaméthasone, un glucocorticoïde, sont trouvées dans les urines du capitaine de l’équipe d’Espagne. La molécule est autorisée si elle a été injectée par voie intra-articulaire plus de vingt-quatre heures avant la rencontre, à condition que le traitement soit mentionné dans le formulaire accompagnant le contrôle.

Or, ce soir-là, après la finale, le médecin du Real signale un traitement à base de Celestone Chronodose, de son nom scientifique bétaméthasone, une molécule proche de la dexaméthasone. Une erreur, selon le traumatologue, qui affirme ensuite avoir fait deux injections intra-articulaires de dexaméthasone dans son genou et son épaule gauches. Pour expliquer sa bévue, le médecin met en avant l’état d’euphorie dans lequel tous les Madrilènes se trouvaient après la victoire et les conditions particulières du contrôle, auquel Sa majesté Juan Carlos et le premier ministre Mariano Rajoy s’étaient invités.

Dans son enquête, l’UEFA conclut à une erreur administrative et précise qu’un expert a confirmé que la concentration de corticoïdes retrouvée était compatible avec les deux injections intra-articulaires. Le dossier, symbolique de la problématique des corticoïdes dans la lutte antidopage, est classé sans suite. Ni la FIFA, ni l’Agence mondiale antidopage n’ont fait appel.

Les agacements des stars du Real

Près d’un an plus tard, le 15 avril 2018, Sergio Ramos est désigné pour un contrôle à l’issue d’un match contre Malaga, en championnat. C’est l’agence nationale espagnole, l’Aepsad, qui en a la responsabilité. Mais le défenseur aimerait prendre sa douche avant d’uriner dans l’éprouvette, pour gagner du temps. La procédure l’en interdit, comme le lui signale le préleveur.

Sergio Ramos et le médecin chef du Real Madrid s’en agacent, et le joueur prend sa douche malgré tout sous le regard du préleveur, lequel rédige un rapport à destination de sa hiérarchie. La scène pourrait s’apparenter à une obstruction au contrôle, ce qui rendrait Sergio Ramos passible de deux ans de suspension et le club d’une amende et d’une réduction de points. Les sanctions dans ce cadre sont toutefois rarissimes.

Ce n’est que fin septembre, cinq mois après le match, que l’Aepsad signale ce problème au Real Madrid. Les « Football Leaks » n’ont pas eu accès à l’éventuelle réponse de Sergio Ramos à l’agence espagnole, mais aucune sanction ne semble avoir été prise. En effet, l’Aepsad indique aux journalistes que « les résultats de l’enquête n’ont mis au jour aucun fait qui pourrait permettre de conclure à l’existence d’un acte violant la réglementation antidopage ».

Précédemment, un incident similaire avait eu lieu en février 2017, lors d’un contrôle inopiné diligenté par l’UEFA. S’agaçant d’une prétendue maladresse du préleveur, qui doit s’y reprendre à deux fois pour un prélèvement sanguin, Cristiano Ronaldo fait connaître sa colère et fait monter la tension dans la salle. Alors que huit joueurs restent à contrôler, le Real Madrid fait intervenir son staff médical pour procéder aux prélèvements, sous la surveillance des contrôleurs assermentés.

Une pratique en infraction totale du code mondial antidopage et que dénonceront les préleveurs dans leur rapport à l’UEFA. Une nouvelle fois, aucune sanction ne sera prise à l’encontre du club treize fois champion d’Europe.

La FIFA a fait traîner l’enquête russe

Les Football Leaks racontent également comment la Fifa, la fédération internationale de football, a fait de son mieux pour que les possibles cas de dopage dans le football russe, dans le cadre du dopage organisé par l’Etat, ne soient pas mis au jour avant la Coupe du monde en Russie.

La procureure interne de la Fifa, proche de son président Gianni Infantino, a fait longuement patienter Richard McLaren, l’avocat canadien ayant exposé le dopage organisé en Russie qui était pourtant prêt à aider la fédération à identifier les cas dans le football.

En décembre 2017, la FIFA a pourtant reçu de la fédération russe une liste de 11 joueurs dont les échantillons auraient pu être trafiqués, où figuraient deux internationaux, Sergueï Ignashevitch et Mario Fernandes. La Fifa dit avoir ré-analysé les échantillons des joueurs cités dans les rapports McLaren. « Tous les résultats ont été négatifs », et aucun signe de falsification des flacons d’urine n’a été détecté, selon elle.