Le Stade de France, lors de la finale de l’Euro 2016 remportée par le Portugal face à la France,  à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), le 10 juillet 2016. / MIGUEL MEDINA / AFP

C’est peut-être la fin d’une anomalie française : le gouvernement n’exclut pas de vendre le Stade de France, propriété de l’Etat, en 2025, au terme de sa concession au consortium formé par Bouygues et Vinci. L’exécutif prendra cette décision avant la fin 2019. Mais seul un léger ravalement sera entrepris d’ici les Jeux olympiques de 2024, et non une rénovation lourde comme le préconise le consortium. C’est ce qu’assure le premier ministre, Edouard Philippe, dans un courrier du 20 novembre répondant à un référé de la Cour des comptes, rendu public mercredi 21 novembre.

« L’exception critiquée par la Cour, à savoir que le Stade de France est le seul stade propriété de l’Etat en Europe, pourrait ne pas perdurer au-delà de 2025 », assure le premier ministre. « L’hypothèse d’une cession fait en effet partie des options à l’étude », ajoute-t-il, précisant que « l’Etat entend clairement éviter que le cadre juridique d’exploitation du Stade de France à partir de 2025 ne présente pas les mêmes défauts que la concession actuelle ».

Dans un référé daté du 17 septembre, la Cour des comptes porte un jugement sévère sur le contrat négocié dans l’urgence en 1995, confiant à Vinci et Bouygues la gestion et l’exploitation du stade de 80 000 places, où les Bleus allaient remporter la Coupe du monde de football en 1998. « La question de l’exploitation courante du Stade de France a été traitée comme une question secondaire, ce qui s’est révélé coûteux pour l’Etat et source de contentieux multiples », selon la Cour.

Ne pas prendre, comme en 1995, une décision dans l’urgence, sous la pression des événements sportifs à venir

Le contrat de concession est resté flou sur les obligations des différents acteurs, et « a été bâti sur des hypothèses d’exploitation trop incertaines et peu cohérentes », écrit le premier président, Didier Migaud. L’installation d’un club résident à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) s’est ainsi « révélée être une chimère », entraînant une perte d’exploitation que l’Etat a dû compenser en versant 119,5 millions d’euros au consortium entre 1998 et 2013.

Pour autant, le modèle économique de ce stade « multifonctionnnel » a fait ses preuves : entre rencontres sportives et grands spectacles culturels, le Stade de France a atteint, depuis douze ans, une rentabilité « quatre fois supérieure à la prévision financière d’origine », équivalant à « près de 10 % des capitaux propres », ce qui a permis de mettre fin en 2013 à la compensation versée par l’Etat. La renégociation des conventions avec les fédérations françaises de rugby (FFR) et de football (FFF) a permis de stabiliser le bilan.

Pour ne pas, comme en 1995, prendre de décisions dans l’urgence, sous la pression des événements sportifs à venir – la Coupe du monde de rugby de 2023 et les Jeux olympiques l’année suivante –, l’Etat doit décider, « au plus tard au cours de l’année 2019, de l’avenir du Stade de France après 2025 », estime la Cour des comptes. Laquelle ne cache pas sa préférence pour un « désengagement des finances publiques, notamment la cession de l’ouvrage au profit d’une structure capitalistique associant les fédérations françaises de rugby et de football ».

Pas de « travaux de grande ampleur »

Reste, d’ici là, à honorer la Coupe du monde de rugby et les JO. Or le consortium alerte sur le fait que 5 milliards de téléspectateurs vont avoir les yeux braqués sur un stade vieux d’un quart de siècle. L’Etat s’était engagé auprès du Comité international olympique, en 2016, à investir 70 millions d’euros dans la mise aux normes du Stade de France. Un engagement pris « sans que le concessionnaire ait été sollicité préalablement », qui « ne reposait sur aucune programmation sérieuse », note cruellement la Cour des comptes. Le devis a depuis été revu à la baisse, mais « le programme d’ensemble des travaux n’est à ce jour toujours pas arrêté », remarquent les magistrats.

L’Etat et la région Ile-de-France financeront ces travaux « dans la limite d’une enveloppe de 50 millions d’euros », répond Edouard Philippe dans son courrier du 20 novembre. A peine de quoi rafraîchir les peintures, regrettent les gestionnaires du stade. Le consortium plaide pour un plan de transformation à hauteur de 450 millions d’euros, comprenant notamment la construction d’un toit protégeant la pelouse et l’extension de la capacité des tribunes, arguant que la France serait le premier pays à rénover un stade juste après les Jeux olympiques, et non juste avant.

Pas question de faire peser cette facture sur la dépense publique, assure le consortium. La filiale de Vinci et Bouygues propose d’assumer cet investissement grâce à un allongement de la durée de sa concession, en faisant dès à présent entrer dans l’architecture de gestion du stade les fédérations sportives, seules détentrices des droits commerciaux sur les événements qui s’y déroulent. C’est ainsi largement la FFR et la FFF qui financeraient le nouveau Stade de France, et non l’Etat.

Mais le premier ministre écarte la programmation de « travaux de grande ampleur ». Pour Edouard Philippe, un tel programme ferait courir un risque juridique et financier à l’Etat, et fragiliserait le respect d’un calendrier déjà serré. Sans compter qu’une rénovation d’envergure du Stade de France passerait, selon Matignon, par la suppression de la piste d’athlétisme, qui éloigne les tribunes du terrain. Or les épreuves d’athlétisme pour les JO de 2024 sont programmées dans l’enceinte de Saint-Denis.