La présidente de Taïwan, Tsai Ing-wen, après la défaite de son parti aux élections locales, le 24 novembre. / ANN WANG / REUTERS

Taipei, envoyé spécial. Tirant immédiatement la leçon d’une sévère défaite de son parti aux élections locales qui se sont déroulées samedi 24 novembre, la présidente de Taïwan, Tsai Ing-wen, a annoncé dans la soirée qu’elle démissionnait de la présidence de son parti, le Parti démocratique progressiste (DPP). Ce parti qui, officiellement, prône l’indépendance de l’île par rapport à la Chine, connaît donc deux ans après son arrivée au pouvoir une crise majeure.

En revanche, la Chine, qui ne reconnaît pas Taïwan, qu’elle considère comme une de ses provinces, ne peut que se réjouir. Le parti le plus conciliant à son égard, le KMT (parti nationaliste chinois) a annoncé avoir remporté 15 des 22 grandes villes et comtés alors qu’il n’en détenait que six au départ. En revanche le DPP, qui était à la tête de 13 villes et comtés, n’en dirige plus que six. Il perd notamment la mairie de Kaohsiung, la deuxième ville du pays, qui était son fief depuis vingt ans. Le vainqueur est un outsider du KMT, Han Kuo-yu, parfois surnommé le « Trump taïwanais » en raison de la campagne populiste qu’il a menée, parvenant à passer pour un nouveau venu, ce qui est loin d’être le cas.

La victoire de celui-ci devrait relancer la polémique sur les interférences chinoises durant la campagne. Depuis quelques semaines, le DPP dénonce celles-ci, jugeant notamment suspects l’engouement des réseaux sociaux pour Han Kuo-yu et sa position en tête des moteurs de recherche, en raison de clics qui proviendraient de Chine continentale.

Mais cette interférence, qui pour le moment n’a pas été démontrée, ne doit pas cacher la déception qui s’est emparée de nombre d’électeurs du DPP depuis la présidentielle de 2016. Tsai Ing-wen avait été élue sur deux promesses essentielles : proclamer l’indépendance de l’île et mettre fin à la stagnation des salaires. Or la situation économique se dégrade et si Mme Tsai s’est rapprochée de Washington et de Tokyo et a augmenté les budgets militaires, elle a jusqu’ici pris soin de ne pas trop provoquer Pékin, quitte à décevoir ses partisans.

Evolution favorable à la Chine

De son coté, le président chinois Xi Jinping a promis à ses compatriotes qu’il ramènerait Taïwan « à la maison ». Depuis deux ans, la Chine multiplie les manœuvres aériennes et navales à proximité de Taïwan, cherche – avec un certain succès – à l’isoler diplomatiquement et nuit à son développement économique en réduisant les flux de touristes chinois autorisés à visiter l’île et en faisant pression sur la communauté internationale pour qu’aucun pays ne signe un accord de libre-échange avec Taïwan.

Aujourd’hui, les Etats-Unis et la plupart des grands pays occidentaux ne reconnaissent qu’une seule Chine – la République populaire de Chine – mais ont un représentant – qui n’a pas le statut d’ambassadeur – à Taipei, la capitale de Taïwan où s’étaient réfugiés les nationalistes en 1949 à l’arrivée au pouvoir des communistes à Pékin.

Si le précédent président de la République, Ma Ying-jeou (KMT), au pouvoir de 2008 à 2016, avait opéré un net rapprochement avec Pékin, Mme Tsai Ing-wen a, elle, mis fin à cette politique. Mais son impopularité croissante s’accompagne d’une évolution notable des 23 millions de Taïwanais face à la Chine : en septembre, un sondage réalisé régulièrement par la Public Opinion Foundation montrait que le nombre de Taïwanais favorables à l’indépendance était passé de 51,2 % en 2016 – un record – à 36,2 %, alors que 26,1 % étaient favorables à l’unification contre 14 % seulement deux ans plus tôt. Ces derniers sont désormais plus nombreux que les partisans du statu quo, 23 %, un chiffre à peu près stable. L’échec du DPP et le succès du KMT s’inscrivent aussi dans cette évolution.