Les obsèques de Raed Fares et Hammoud Al-Jneid, le 23 novembre à Kafranbel. / MUHAMMAD HAJ KADOUR / AFP

Malgré les menaces, Raed Fares avait toujours refusé de quitter la Syrie. Ce célèbre militant, figure de la révolte contre le régime de Bachar Al-Assad, est mort assassiné, vendredi 23 novembre, à l’âge de 46 ans. Des hommes armés ont ouvert le feu sur son véhicule, à Kafranbel, dans la province d’Idlib (Nord), tuant avec lui l’un de ses compagnons de route, Hammoud Al-Jneid, 38 ans. Dans cette enclave en proie au chaos des groupes armés, dominée par les djihadistes, et sur laquelle la menace d’une offensive finale des troupes pro-régime continue de planer, un vent mauvais souffle sur les militants de la société civile.

Vendredi, une foule d’hommes, parfois en larmes, ont accompagné jusqu’au cimetière la dépouille de M. Fares. La nouvelle de sa mort a suscité une onde de choc parmi les militants des premières heures du soulèvement, dont beaucoup ont été contraints à l’exil, quand ils n’ont pas été tués ou emprisonnés. « Raed refusait d’abandonner, face au régime et aux islamistes. Il disait : “Pourquoi les gens qui rêvent d’une Syrie meilleure devraient-ils quitter leur terre ?”, rapporte Yara Bader, directrice du Centre syrien pour les médias et la liberté d’expression, basée aujourd’hui en Allemagne. Dans ses projets, à la créativité inouïe, il voulait maintenir l’esprit de la révolution. »

Radio communautaire

Dès le début des manifestations contre le pouvoir, en 2011, Raed Fares s’impose, par son charisme, comme leader dans sa petite ville natale. Ce père de famille filme les protestations à Kafranbel, parfois réduites à des déploiements éclairs pour éviter un assaut du régime. Dans la ville, passée ensuite sous contrôle rebelle, l’ancien agent immobilier organise, le vendredi, de petits rassemblements autour de slogans mordants écrits en anglais et en arabe sur une grande banderole. C’est sa façon d’essayer de maintenir l’attention sur la Syrie, et ses images, diffusées sur les réseaux sociaux, le rendent célèbre à l’étranger. En 2014, il réchappe d’une tentative d’assassinat, malgré ses blessures.

Un an plus tôt, Raed Fares, convaincu du rôle que doit jouer la société civile, a lancé une radio communautaire, dont les programmes sont entrecoupés par des alertes annonçant les raids aériens du régime. « Radio Fresh » bénéficie de fonds américains, gelés cette année. L’antenne ne plaît ni aux forces du régime, qui bombardent les locaux, ni aux combattants les plus radicaux, qui s’en prennent à leur tour à la radio.

L’homme, dont les amis louaient l’humour débordant, s’était fait de nombreux ennemis parmi les groupes armés de la province d’Idlib. Il entretenait des relations délétères avec les djihadistes de Hayat Tahrir Al-Cham, issus d’Al-Qaida, et devenus la force la plus puissante dans la région : ces derniers l’avaient arrêté ou harcelé à plusieurs reprises. Il était aussi haï dans les rangs loyalistes, où il était dénoncé comme « propagandiste ».