La sélection canadienne au stade Delort de Marseille, vendredi 23 novembre. / BORIS HORVAT / AFP

A la sono, rien que du très classique : un petit « We are the champions » pour bien signifier à ces Canadiens leur nouveau statut de champions. Ou plutôt de qualifiés, puisque les « Canucks » ont simplement remporté un tournoi de repêchage, vendredi 23 novembre. Mini-championnat, grande récompense : la 20e et dernière place qualificative pour la Coupe du monde 2019 de rugby au Japon, dans un peu moins d’un an.

Vendredi soir, les Canadiens restaient cependant encore très loin de l’Asie. Approximativement à 10 000 km, sur la pelouse du stade Pierre-Delort, à Marseille. Oui, à Marseille. Juste à côté du Vélodrome, sur une pelouse détrempée et déjà en piètre état avant même la victoire des Canadiens sur Hongkong (27-10), la pelouse ayant déjà servi, trois heures plus tôt, au match Allemagne-Kenya.

Depuis trois semaines, chacun de ces « petits » du rugby a joué une fois l’un contre l’autre dans ce décor baroque, pour le dire gentiment. Six matchs, donc, dans ce stade municipal où personne ne joue réellement à l’année. Un stade construit on ne sait trop pourquoi, sinon pour un meeting annuel d’athlétisme. La pelouse, elle, jusqu’à de récents travaux, restait impropre à des matchs de haut niveau : dimensions insuffisantes pour le football comme pour le rugby…

Peu importe pour les Canadiens, dont certains jouent encore avec le statut amateur. Ainsi de Ben LeSage, trois-quarts-centre : « Normalement, je m’entraîne seulement deux fois par semaine avec l’équipe de mon université, à Vancouver. Je vais finir mes études d’ingénieur cette année et ensuite, j’essaierai de trouver une équipe professionnelle. » Avec cette possibilité : rallier l’équipe des Ontario Arrows, ce club canadien qui intégrera dès l’an prochain la Major League Rugby, le championnat professionnel nouvellement mis en place aux Etats-Unis.

« Une invitée de marque »

L’arrière Matt Heaton, lui, joue déjà à l’étranger. Mais en troisième division anglaise, pour le Darlington Mowden Park Rugby Football Club. Loin des standards internationaux, et encore plus loin des futurs adversaires du Canada à la Coupe du monde : le pays affrontera la Nouvelle-Zélande, double championne du monde en titre, et l’Afrique du Sud, outre l’Italie et la Namibie. Pronostic ambitieux de Heaton : « J’espère déjà qu’on réussira à se qualifier d’office pour la Coupe du monde 2023 en France. » Dit autrement : à finir troisième du groupe pour cette édition 2019.

Dans la tribune principale du stade Delort, moins d’un millier de spectateurs. L’effet des trombes d’eau, sans doute. Ou de l’absence de l’absence de publicité sur l’existence même de l’événement, plus sûrement. Un spectateur canadien a toutefois fait le déplacement, en la personne de Jamie Cudmore. « Pendant quelques années, le Canada a oublié d’investir dans le rugby scolaire et ç’a été une grosse erreur », regrette l’ancien joueur de Clermont, désormais entraîneur à Aix (deuxième division). Le Canada, pourtant, a participé à toutes les éditions de la Coupe du monde. Huit déjà écoulées, dont quatre avec Cudmore. Bilan : élimination systématique dès le premier tour, hormis un quart de finale de l’édition 1991.

Enjeu de taille pour World Rugby, la fédération internationale : faire enfin de ce sport un sport mondial. Son président anglais, Bill Beaumont, présent à Marseille, a déjà ciblé trois petits pays de rugby : « On a identifié trois marchés où on aimerait que notre sport se développe : l’Allemagne, les Etats-Unis et le Brésil ». Une logique commerciale qui pourrait conduire au passage de 20 à 24 équipes pour chaque Mondial ultérieur, dont le Trophée William Webb-Ellis a déjà fait une courte apparition vendredi. « Une invitée de marque ! », selon le speakeur du stade Pierre-Delort, bien en peine de réchauffer l’assistance.

Ce tournoi de repêchage à Marseille aura coûté plus ou moins « un demi-million d’euros » pour la Fédération française de rugby (FFR), selon Nicolas Hourquet, responsable des relations internationales. La FFR en a accepté le principe et les coûts sur une proposition de World Rugby, qui, elle, a notamment financé le transport aérien des équipes. Une sorte de service rendu, de la part de la France, un an après la désignation du pays comme futur hôte de la Coupe du monde 2023. Celle qui suivra l’édition japonaise.