© FutureGames

Dans une petite pièce encombrée de cartons, deux étranges créatures au nombre de pieds variable sautillent, se poussent, tombent, se cognent… Et tentent de s’échapper. Les rires fusent à chaque nouvelle cabriole. « C’est infernal ! », sourit Manuel Llanes, directeur du design chez Dice, acteur historique du jeu vidéo en Suède. Aux côtés d’autres spécialistes, il fait partie du jury chargé de tester et d’évaluer les jeux conçus par les élèves de FutureGames.

Située dans un quartier branché de Stockholm, cette école professionnelle attire tous les regards. En septembre 2018, elle été sacrée deuxième meilleure école de jeux vidéo au monde, lors des Rockies Awards, décernés lors du Festival international des médias de Banff, au Canada. Parmi les étudiants de l’école, on compte de plus en plus d’élèves étrangers, attirés par la réputation croissante de FutureGames dans les studios de création.

Le boom du jeu vidéo suédois

Si FutureGames se trouve en Suède, cela n’a rien d’un hasard. Depuis une petite dizaine d’années, l’industrie des jeux vidéo connaît un véritable boom dans ce pays : entre 2012 et 2017, le nombre d’entreprises a plus que doublé tandis que les ventes de jeux suédois ont été multipliées par trois pour atteindre 1,5 milliard d’euros, d’après les chiffres de la branche professionnelle. Un millier d’emplois ont ainsi été créés en 2017.

Ecoles comme universités proposent des cursus – avec des frais de scolarité intégralement pris en charge par l’Etat.

Pour expliquer cette croissance, certains mettent en avant, avec autant d’humour que de pragmatisme, l’influence des longues soirées d’hiver qui incitent à se consacrer à des activités intérieures… D’autres soulignent l’appétence des Suédois pour les nouvelles technologies, alimentée dans les années 1990 par le programme gouvernemental « un foyer, un ordinateur » et soutenue par les efforts, au cours de la décennie suivante, pour déployer Internet dans tout le pays.

C’est dans cet environnement favorable que sont nés la série Battlefield produite par Dice, Minecraft de Mojang ou encore Candy Crush créé chez King. Des succès mondiaux qui ont contribué à susciter des vocations. Dès lors, de nombreux cursus dédiés au développement de jeux vidéo se sont ouverts, aussi bien à l’université que dans les écoles – avec dans tous les cas des frais de scolarité intégralement pris en charge par l’Etat.

« Learning by doing »

« Nous avons de plus en plus de demandes », observe Mattias Escudero Liljeqvist, le directeur de FutureGames, qui a admis cette année 20 % des candidats. Selon lui, l’attraction de l’école est liée à « la dimension très concrète de l’enseignement ». La scolarité dure deux ans. Outre un stage de fin d’études, la moitié du temps est consacrée à des cours, l’autre à des projets personnels.

« Nous mettons l’accent sur la pratique. C’est ce qu’attendent les professionnels du secteur. » Mattias Escudero Liljeqvist, le directeur de FutureGames

« Dans tous les cas, nous mettons l’accent sur la pratique, insiste le responsable : notre pédagogie est celle du “learning by doing”. C’est ce qu’attendent les professionnels du secteur avec lesquels l’établissement entretient d’étroites relations. » Représentant 60 % du conseil d’éducation, ces « professionnels de la profession » interviennent aussi dans des séminaires ou des workshops (ateliers collaboratifs), ainsi que dans les jurys lors des présentations des projets étudiants.

Embauchés avant d’avoir terminé leurs études

En tant qu’école professionnelle, FutureGames doit en outre prouver qu’elle est en phase avec les besoins de l’industrie. « Tous les deux ans, nous passons devant une commission qui valide la pertinence de notre projet », indique Mattias Escudero Liljeqvist, heureux d’afficher que la grande majorité des étudiants ont signé un contrat avant même de recevoir leur diplôme.

« Il faut parfois les retenir pour les pousser à finir leurs études... », sourit-il. Car la formation est l’occasion pour les étudiants non seulement de mettre en pratique ce qu’ils viennent d’apprendre, mais aussi de tester de nouvelles choses et de se tromper sans que cela prête à conséquence.

« L’erreur est la meilleure façon d’apprendre », atteste John Walden, étudiant australien de 25 ans, qui s’intéresse surtout à la réalisation des différents niveaux de jeu, ce qu’on appelle le « level design ». Nomi Bontegard, quant à elle, aimerait devenir une experte des fourrures d’animaux et cheveux humains. « C’est une façon d’exprimer ma créativité », explique la jeune femme qui s’est lancée dans le jeu vidéo pour « bâtir [ses] propres mondes et raconter des histoires à travers eux ».

Le savoir être occupe une place primordiale

Quelle que soit la filière choisie (graphisme 2D ou 3D, programmation, design), les étudiants sont en effet encouragés à développer leur propre niche car, affirme Mattias Escudero Liljeqvist, « si les petits studios embauchent des profils polyvalents, les grands studios recherchent désormais des spécialistes ».

Mais être un expert ne signifie pas travailler seul, au contraire. « Peu importe qu’un graphiste soit un artiste hors pair s’il n’est pas capable de collaborer avec les autres », estime Cecilia Nordin, créatrice de personnages chez Avalanche Studios et également jury pour FutureGames.

Au-delà des compétences techniques, le savoir être occupe une place primordiale dans la formation. En particulier, les élèves apprennent à mener des projets collectifs en utilisant des méthodes « agiles ». « S’organiser en équipe et bien communiquer, c’est vraiment le plus difficile », témoigne Nomi Bontegard. Mais cela reste essentiel pour « obtenir de la cohérence », souligne le designer Manuel Llanes. Et de rappeler que « le jeu vidéo est un média interactif. Qu’il s’agisse d’effrayer ou de faire rire, le but est d’apporter de la joie au public ».

Les 1er et 2 décembre, découvrez les formations artistiques au salon du « Monde »

Beaux-arts, design, architecture, cinéma, graphisme, jeux vidéo… plus de cent écoles seront présentes lors du Salon des formations artistiques (le START) du groupe Le Monde, organisé le samedi 1er et le dimanche 2 décembre à la Cité de la mode et du design, à Paris, dans le 13arrondissement.

Vous pourrez y rencontrer les écoles et vous faire une idée des différents cursus en design, mode, cinéma, audiovisuel, arts plastiques, etc. Des conférences thématiques seront animées par des journalistes du Monde et de Télérama. Egalement au programme de ce week-end, des ateliers et des performances artistiques.

Le salon est précédé de la parution, dans Le Monde daté du 28 novembre 2018 et sur Lemonde.fr/ecoles-d-art, d’un supplément consacré aux formations artistiques.

Entrée gratuite, préinscription (recommandée) et programme ici