Guilhem Guirado, samedi 24 novembre, au Stade de France. / FRANCK FIFE / AFP

Un pas en avant, deux pas en arrière. Sur une piste de danse, le mouvement a du charme. En rugby, soudain beaucoup moins. Mais il décrit assez bien l’errance d’un XV de France déprimé, et pour tout dire déprimant, à moins d’un an de la Coupe du monde 2019. Pour finir cette tournée automnale de test-matchs, un gadin historique qui a fait chuter encore davantage la température à Saint-Denis : défaite face aux Fidji (14-21), samedi 24 novembre, dans un Stade de France dépeuplé. La première en dix confrontations.

Le mois avait pourtant commencé par deux matchs « encourageants », pour reprendre les éléments de langage : d’abord une défaite contre l’Afrique du Sud (26-29) après avoir mené presque de bout en bout, puis une victoire sur l’Argentine (28-13) pour se rassurer et enrayer une série de cinq revers consécutifs. Deux matchs où les Bleus avaient su faire preuve d’allant. Et même, diable, proposer du jeu !

Puis vinrent les Fidjiens. L’adversaire a priori le plus prenable, sur le papier. Peut-être celui le plus coriace, sur le terrain. Prenez la première période, puis la seconde : samedi soir, les Français ont joué tous phares éteints, comme démunis de la moindre lueur. Sans cesse pris de vitesse, dominés dans les duels. Incapables de marquer autrement que par de longs ballons portés, sous la laborieuse poussée du pack.

Bref, « on a manqué de respect au maillot qu’on avait sur les épaules », résume Guilhem Guirado. Ce mois-ci, signe d’un rugby sens dessus dessous, le talonneur est aussi le meilleur marqueur du XV de France. Un essai contre les « Boks », un autre contre les « Pumas », puis deux contre les Fidji.

C’est positif, s’agissant du capitaine de l’équipe, très rare satisfaction. C’est inquiétant, si l’on songe aux lignes arrière et à l’animation offensive, abstraction faite des deux mouvements collectifs qui ont abouti aux essais de Teddy Thomas contre l’Argentine.

Au début de la tournée, Jacques Brunel cherchait surtout sa « colonne vertébrale », son axe principal. Guirado mis à part, la circonspection prévaut toujours pour les autres joueurs centraux, pourtant reconduits d’un samedi à l’autre : troisième-ligne (Louis Picamoles), demi de mêlée (Baptiste Serin), ouvreur (Camille Lopez) et arrière (Benjamin Fall). Idem pour les ailiers, Teddy Thomas comme Yoann Huget.

Places au rabais

A croire que les doutes gagnent aussi les spectateurs. Enfin, ceux qui continuent à vouloir se rendre au stade. Contre l’Afrique du Sud, à peine plus de 50 000 spectateurs sur près de 80 000 places disponibles – chiffres officiels non communiqués.

Contre les Fidji, encore pis : un stade à moitié vide, et une tribune de presse également clairsemée… Un stade de plus en plus vide, d’ailleurs, certains spectateurs ayant quitté l’enceinte avant même la dernière pénalité fidjienne et le coup de sifflet final…

Visiblement anglophone, la Fédération française de rugby avait bien tenté une « happy hour » de la dernière chance contre l’Afrique du Sud, puis un « black Friday » contre les Fidji : deux opérations pour proposer des places au rabais avec le vain espoir de rameuter les foules… Même le match contre l’Argentine, délocalisé au stade Pierre-Mauroy de Villeneuve-d’Ascq (Nord), a généré son lot de sièges vacants.

Dire qu’il y a un an, Bernard Laporte limogeait Guy Novès peu après son match nul (23-23) contre le Japon, et que ce match vraiment nul paraissait déjà abyssal. Dire qu’il y a un an, le président de la FFR nommait comme nouveau sélectionneur l’un de ses proches, Jacques Brunel…

Depuis, le bilan a encore empiré. Le XV de France termine son année 2018 sans confiance ni repères (huit défaites, trois victoires), et avec seulement huit matchs devant lui pour tenter de créer un soupçon de quelque chose l’année prochaine, avant cette Coupe du monde au Japon dont les Bleus paraissent encore si loin.

Yoann Huget, main sur la tête, samedi 24 novembre au Stade de France. / Christophe Ena / AP